Le Nouveau Roman marque une étape décisive dans l’histoire du roman français. Dès les années 1950, un groupe hétérogène d’auteurs se réunit sous cette étiquette pour exprimer, malgré les différences qui les séparent, leur refus du roman balzacien et leur volonté de créer des formes romanesques nouvelles. Considérant le roman réaliste du XIXe siècle comme inapte à traduire le malaise de l’individu dans un monde toujours plus complexe et indéchiffrable, les « nouveaux romanciers » inaugurent ce que Nathalie Sarraute appelle « l’ère du soupçon » : la plupart des conventions romanesques traditionnelles, notamment la psychologie des personnages, la cohérence de l’intrigue et le point de vue omniscient du narrateur, sont dorénavant remises en question. Les écrivains du Nouveau Roman, dont Nathalie Sarraute, Alain Robbe-Grillet, Michel Butor et Claude Simon sont les représentants majeurs, ont ainsi pour mission, chacun à sa manière, de repenser le rapport du roman au monde. Même si le mouvement se désagrège au cours des années 1970, son influence durable sur la littérature française ne fait aucun doute. Plusieurs écrivains contemporains, tels que Jean Echenoz, Marie Redonnet et François Bon, se situent en effet dans une filiation directe avec le Nouveau Roman.
Notre séminaire se propose d’initier les étudiants aux multiples enjeux de ce courant littéraire aussi riche que complexe. Afin de bien saisir ses particularités, nous redessinerons d’abord les grandes lignes de l’évolution historique du roman français, avant de nous pencher, à l’aide des essais Pour un nouveau roman (Alain Robbe-Grillet) et L’ère du soupçon (Nathalie Sarraute), sur les fondements théoriques et philosophiques du Nouveau Roman. Nous étudierons ensuite, comme oeuvres emblématiques de ce courant, La Modification (1957) de Michel Butor et La Jalousie (1957) d’Alain Robbe-Grillet ainsi que quelques extraits du recueil Tropismes (1939/1957) de Nathalie Sarraute. Nos réflexions seront guidées par la question de la vision du monde que nous propose le Nouveau Roman à travers ses formes d’écriture innovantes. Nous nous interrogerons finalement sur son héritage dans la littérature française contemporaine en essayant d’y repérer, par rapport au Nouveau Roman, des continuités aussi bien que des ruptures.
- Lehrende/r: Jonas Brune