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Meinungen und Urteile über Le Libertinage

Opinions et jugements sur Le Libertinage


Pierre Drieu La Rochelle (1922?)
J'admire Aragon qui est le premier de notre génération. L'Extra (N.R.F.) est d'une plénitude déjà. Et ce n'est pas du verbiage. Quelle expérience de la vie à moins de vingt-cinq ans. Je ne parle pas de la langue qui s'assouplit, se fortifie à vue d'oeil. Son recueil de contes fera un livre autrement solide et durable que tous les Morand passés et à venir.

Paul Claudel: Lettre à Jacques Rivière, Directeur de la Nouvelle Revue Française (07.08.1922)
[À propos de "L'Extra":]
Je ne puis comprendre comment un honnête homme, un père de famille et un chrétien (du moins vous vous disiez tel à un moment donné) laisse publier sous son nom et sous sa responsabilité les saletés abominables que je lis dans le numéro de juillet de la NRF.
Je me demande ce qui a pu vous déterminer à publier cette froide et stupide cochonnerie qui n'est d'ailleurs qu'un mauvais pastiche de Lautréamont. Est-ce le talent de l'auteur? tout de même j'ai confiance dans votre goût. Est-ce l'influence de Gide? Ne vous rendez-vous pas compte que de pareilles choses déshonorent et votre Revue et la France et vous même? - Après Boissard [= Paul Léautaud], Aragon!
Votre ami profondément attristé
P. Claudel

(Remarque: C'est Jean Paulhan qui a décidé Jacques Rivière à publier Aragon; voir Lettre de Jean Paulhan à Guillaume de Tarde, datée de "Samedi" [1928], dans Jean Paulhan: La Littérature est une fête. Choix de lettres, t. I: 1917-1936. Paris: Gallimard, 1986, p. 159.)

Jacques Rivière: Lettre à Paul Claudel (01.10.1922)
Oui, c'est le talent de l'auteur qui m'a fait publier l'Extra. J'ai longtemps hésité, je l'avoue, à prendre la responsabilité de ce que le morceau avait évidemment de risqué. Mais j'ai fini par me laisser convaincre, dites: corrompre, si vous voulez, par l'extraordinaire grâce de l'expression, qui fait, à mon avis, d'Aragon le plus délicieux des jeunes écrivains, celui dont il me paraît qu'on peut le plus attendre.
Pastiche de Lautréamont: sans doute; mais combien spirituel, combien intelligent, combien personnel! Laissez-moi vous le dire: je ne peux pas croire que les qualités qui foisonnent dans ces quelques pages vous aient échappé. Ou alors vous avez subi l'impression inverse de celle à laquelle j'ai succombé: l'indignation que vous a donnée le contenu de la nouvelle vous a fermé les yeux au charme exquis de sa rédaction.
[...]
Mais ici encore je dois être franc: j'éprouve une difficulté croissante à prendre en considération le point de vue moral. Ce n'est pas ma faute. J'ai fait de grands efforts pendant longtemps pour m'y placer, pour m'y tenir. J'ai dû constater que c'était une position absolument stérilisante pour ma sorte d'esprit. - Sans doute je ne confonds pas mon attitude personnelle avec celle que je dois prendre en tant que directeur de revue. Tout de même il y a une influence de l'une sur l'autre, dont peut-être la publication de l'Extra est un signe.

Paul Claudel: Lettre à Jacques Rivière (15.11.1922)
J'ai lu avec beaucoup de tristesse la lettre que vous m'avez adressée et votre justification me semble faible. Vous me dites que la morale est stérilisante pour votre esprit. [...] C'est la pédérastie que vous trouvez fécondante? Le bien n'est pas autre chose que la vie normale et saine. [...] En vous plaisant à des oeuvres mauvaises, vous perdez beaucoup plus que vous ne gagnez. [...] Le goût du mal, c'est le goût de la sénilité et de l'avachissement. Même un esprit aussi estimable que le vôtre ne peut qu'y perdre.
J'en vois d'ailleurs une preuve dans votre lettre même. Car vous avouez que la production de l'individu dont je ne veux pas répéter le nom était 1o une ordure 2o un pastiche. C'est donc une ordure frelatée, une contrefaçon d'ordure! Et c'est vous qui vous posez en amateur supérieur pour me faire remarquer comme "c'est bien imité"!

Joseph Delteil (1924)
[...]
Le Libertinage d'Aragon a 20 ans et toutes ses dents. "Il pense avec les dents, éclatantes". À chaque ligne, c'est l'aimable bruit d'un guépard qui croque un agneau. Crac! Les petits os en mille pièces. Un lèchement de langue. Et des colibris à la cantonnade.
[...] Au demeurant, c'est un recueil de contes. On y retrouvera avec émotion les Paramètres, l'Extra. [...]
Ce qui m'a toujours frappé chez Aragon, c'est son côté angélique. André Breton est plus héroïque. Aragon est plus divin. Il découle tout droit du ciel, sans passeport et sans explications. Chaque fois que je le revois, je ne peux m'empêcher de chercher ses ailes. Si j'imagine les anges, c'est sous ses traits. Et jusqu'à cet "insolent vêtement", fait plutôt pour le vol. Point d'erreur possible: la marque de fabrique de Dieu est là.
En d'autres termes, je veux dire que je perçois chez Louis Aragon, d'une façon très nette, cet écho d'en-haut, ou d'en bas, ou d'ailleurs, cet écho "ahumain" qui est proprement inexplicable. Des hommes sont sur terre, mais pensent et parlent hors de la terre. Appelons ce phénomène divin, ou infernal; ça m'est égal. Aragon écrit: "Des messianiques et des révolutionnaires, j'y consens".
Chaque phrase est un bel animal. Elle est parfaite en soi comme est parfait en soi un lièvre, un tapir. [...] C'est de la belle prose. [...] À côté de celle-là, toute autre prose apparaît guindée, fabriquée. [...]

Pierre Scize (1924)
Au quatrième acte d'Hernani un homonyme de l'auteur d'Anicet se lève et crie à l'adresse de Charles Quint et de sa suite ce distique tumultueux:
Je suis Jean d'Aragon, rois, bourreaux et valets,
Et si vos échafauds sont petits, changez-les!

[Victor Hugo, Hernani, IV, 4, v. 1739-1740]
Quiconque lira la préface du Libertinage pourra se rendre compte de la similitude des textes. Louis Aragon, qui est une des plus attachantes, des plus véhémentes personnalités des jeunes Lettres, s'y débat comme un lionceau, attaque, provoque, outrage sur le ton le plus péremptoire du monde. Il appelle sur sa tête des orages. Il ne doit pas cesser de s'étonner de n'être encore ni en prison, ni condamné, ni exécuté. Si l'immonde société, ainsi que le fit pour son aïeul le roi Don Carlo, lui répond "par la clémence", il ira lui tirer la barbe et lui allumer des pétards entre les jambes. En vérité, je le déclare, M. Louis Aragon n'a plus d'autre porte de sortie que l'assassinat politique, l'incendie prémédité, le viol public ou le suicide.
Mais ceci n'est que la préface. Le Libertinage est un recueil de contes. Les uns dans la forme ordinaire, les autres dialogués. Les seconds sont de premier ordre. Une fantaisie extraordinaire y préside et une imagination délirante s'y dépense. M. Aragon est un poète, le plus séduisant peut-être que nous ayons. Un de ceux qui peuvent créer une musique charmante et atteindre à une signification précise avec des mots juxtaposés les uns aux autres, sans souci du sens de chacun d'eux. Il n'y a qu'un poète né pour réussir cette gageure. Si vous en doutez, lisez (page 159) la chanson avec laquelle Frédéric accompagne sa toilette:
Le ciel et la nuit Mexique et Brésil...
Cela vous a le charme des chansons de clowns telles que nous les rendirent les bons traducteurs de Shakespeare.

Francis Gérard (1924)
Ce n'est pas un livre. L'auteur ne consent pas à s'offrir à demi-nu aux feux multicolores de nos yeux myopes. Il ne fait pas le gracieux don de sa vie intime au public des hamacs. S'il n'ignore pas les voyeurs, il ne fait qu'arracher leur masque de chair, les blessant le plus profondément dans leurs exténuants désirs.
Les hommes couchés, les doigts noués sous la nuque, sentiront à le lire la sensitive crisper sur leur peau ses feuilles écailleuses. Cependant que plus profondément le coeur se retourne dans son tombeau. Ils percevront à leurs flancs l'humide frémissement de l'ondée sanguine, notre ceinture de fleurs et leurs yeux battre faiblement dans les orbites comme aux délicieux châtiments.
De quelle farouche pudeur sort ce désir habile comme une longue aiguille et qui nous entraîne dans son trouble orage à travers les paisibles et sournoises vallées. De quelle étonnante pureté est cette audace, et de quel profond usage de l'amour naît-elle pour percer au plus loin des forêts, les clairières secrètes et la plage d'une joie exquise comme la douleur. La femme une surprise dans son sommeil repose sur un lit de camp fait de robes candides et de colombes entr'ouvertes, les genoux et les épaules marquées de sang roux.
Au-delà de l'amour, notre âme secrète et rampante sous le lierre, sous les fraises, sous les platanes, qui nous précipite hors de nos cabanes les jours de grand vent pour recevoir dans les yeux les petits cailloux rouges, tout le péril des sages bateliers, le torrent des nuits d'émeraude où les voiles tombent des hanches, et hors des forêts de muguet, cette ardeur qui perd son sang: les portes de la Destinée ouvertes sur l'ombre brûlante de la Mort.
Les amoureux de Louis A..., que consume cet étrange et sombre feu, désireraient qu'il nous laisse des portraits complets, des mausolées, des steppes et le visage entier de son sillage. Le jeune homme trop pur ne pétrit pas l'argile, il ne laisse de lui que la trace de ses pas dans l'herbe, le sable, la fourrure et l'empreinte en creux de sa main dans la limaille de fer.
Nous, les voyous du port, quelques billes dans les poches, sommes réduits à des propos sans scrupules: "Le Livre le plus émouvant"... ou bien "Ce goût d'amour et de mort dans la bouche".

André Germain (1924)
J'ai senti la nécessité de lire à haute voix Aragon. [...] Ce sont certains contes du Libertinage qui me paraissent le manifeste d'une secte, le résumé d'un temps, l'explosion d'un tempérament. [...]
Écoutez-les donc d'un esprit dégagé, ces récits pleins de cruauté et de charme où Aragon allume au hasard sa verve, met, avec une fantaisie de zéphyr, sa bouche sur une matrone, son pied sur un maréchal, son couteau dans une cuisse admirée. Rien ne l'intimide et rien ne l'ennuie. C'est pourquoi il est capable des gestes les plus sacrilèges, des viols les plus saugrenus. Une sorte de tact avec cela. Beaucoup de désintéressement, une étonnante franchise et cette gentillesse d'apache qui est, dit-on, supérieure à l'élégance des princes. [...]
On ne saurait le nier. Une force effrayante anime les plus parfaits de ces contes, les Paramètres ou l'Extra. Ce dernier, il l'a barbouillé d'un sang frais qui lui coule des mains avec innocence, comme un jus. C'était ainsi qu'on agissait hier, à condition d'avoir le costume pour cela [= l'uniforme militaire]; nous l'oublions déjà et n'y voyons que littérature. Mais les Paramètres, comment ne pas sentir leur terrible don de parodie et comme tous ces êtres qui se désirent par quiproquo, se menacent de la bouche ou du revolver suivant leur ivresse verte ou rouge et finalement couchent ensemble dans un désordre inouï accentuent seulement le train ordinaire des choses et pousse au cake-walk le ballet de la vie! La fresque qu'Aragon peint d'une main impitoyable est légitime. Dans ces théâtres que nous ne dédaignons pas, ces éternels cafés, ces salons dont l'accueil nous honore, fait-on autre chose? La supériorité de notre auteur, le secret de son inquiétante sérénité c'est qu'il n'exagère pas le spectacle et qu'il s'y complaît à peine: il le supporte. [...]
[...] Ce bandeau qui nous tombe sur la tête, après que la famille, le clergé, les maîtres et les gradés nous ont tapé dessus, il l'a esquivé. À cause de cela, il est dangereux: voilà pourquoi les gens sincères le regardent avec stupeur et les hypocrites avec indignation, [...]
Quand je quitte Aragon, j'ai terriblement envie de réfléchir. Ce goût de la bonté et de la pureté qu'il ne m'a pas ravi, ce besoin d'expliquer par une raison profonde notre danse d'éphémères, je les sens arbitraires, timides, vacillants. Je roule plus modestement mon petit rocher de Sisyphe. Car je n'ai rien d'un saint; l'allumette à peine d'un sage ou d'un croyant.
Et en nême temps que le doute me corrode, que la tristesse m'écrase, que se soulève le grand désespoir au-dessus duquel nous vivons en l'étouffant, dans cette maison où nous mangeons et rions si bêtement comme si l'honnête plancher ne nous séparait pas d'une cave, le littérateur en moi ne peut pas oublier ses droits et il jouit tandis que l'homme s'angoisse. Aragon écrit avec une finesse, une facilité qui font ressembler ses phrases à un impromptu sauvé, au plaisir d'une causerie. Il leur ôte tout ce qui fixe et soutient; il leur attache une étincelante petite queue; et puis il les lance. C'est un jeu, une espièglerie et parfois un miracle. L'aisance du gamin de Paris se mêle à la féerie du poète. [...]

Otto Grautoff (1925)
Louis Aragon gehört jenem Kreise französischer Jugend an, die in mehr oder minder geistreichen Paradoxen ihre Kräfte stählen. "Ich habe nie etwas anderes gesucht als den Skandal... mir ist alles Wurst... Wenn es einen Teufel gibt, so ist das Gottes Schuld". Aragon gefällt sich in Thesen und Antithesen. Er stürzt Götter und setzt den Philister auf den Thron. Er versteht wie der beste Dadaist zu verblüffen durch Umkehrung aller Werte, durch amüsante Plötzlichkeiten. Seine unter dem Titel "Le libertinage" vereinigten, rasch hingeworfenen novellistischen, dramatischen und essayistischen Entwürfe sind von blasphemischem Zauber, schlagen dem bürgerlichen Empfinden ins Gesicht. Zuweilen, wie in "La demoiselle aux principes" und "L'armoire à glace, un beau soir" tollen Shakespearesche Einfälle aus ihm heraus.

Ernst Robert Curtius (1925)
[...] Auf Anicet folgte 1924 Le Libertinage (Nouvelle Revue française). Es sind Manifeste, Novellen, Phantasien, ein in metallischen Farben blitzendes Feuerwerk, bei dem man nie vergißt, daß die Sprengstoffchemie auch das andere Gesicht hat, das der Krieg offenbarte. Libertinage - im doppelten Sinn einer Freigeisterei der Sinne und des Denkens - ist die Energieform dieses Buches, das ätzender, provozierender, stärker und reicher ist als das frühere [= Anicet]. Es ist eine Atomspaltung des Gefühls. Ein Kapitel wie "La Femme française" läßt alles verblassen, was bisher über die erotische Psychologie der Frau gesagt war. Auf manchen Seiten des Buches sind Festlegungen und Tatbestandsaufnahmen gelungen, die in jedem Sinne über die bisher bekannten Realismen hinausgehen. Daneben wieder halluzinierte Visionen, die aus derselben Erlebnisart kommen wie die Stilleben Picassos und seiner Nachfolger. [...] Aragon kann aber auch ganz anders schreiben. Wo er erzählt oder manifestiert, verfügt er über einen federnden, nervigen Stil, der mit Voltaire und Diderot verglichen worden ist und der den Liebhaber der französischen Sprache entzücken muß. [...]
Aragon zerbricht unsere Welt, weil er sich in ihr nicht einbürgern kann. Seine Welt ist im Lande des Traums.









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Letzte Änderung - Dernière mise à jour: 01.02.98
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