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Louis Aragon - Anicet ou le panorama, roman

Zitate - Quelques citations


Aus Kapitel I - Extrait du chapitre I: Arthur

[Incipit:] Anicet n'avait retenu de ses études secondaires que la règle des trois unités, la relativité du temps et de l'espace; là se bornaient ses connaissances de l'art et de la vie.(O.R.C. 2, p. 45)

[Arthur:] Le verbe a été ainsi créé que tous ses modes sont fonctions du temps, et je m'assure que la seule syntaxe sacre l'homme esclave de ce concept, car il conçoit suivant elle, et son cerveau n'est au fond qu'une grammaire. (O.R.C. 2, p. 46)

[Arthur:] [...] j'avais appris à connaître la vision féminine du monde, aussi distante de celle des hommes que l'est celle des souris valseuses du Japon, lesquelles n'imaginent que deux dimensions à l'espace. (O.R.C. 2, p. 50)

[Arthur:]Tout aboutissait à l'amour. Il devenait le but suprême de la vie: pas un geste, pas un rire qui n'y menât. [...] Suprême abolition des catégories, l'amour rendait tout aisé, tout docile, nous n'avions plus de limites à nous-mêmes au moment qu'il s'accomplissait. Nous admettions sans protestation qu'il fût notre maître, mais nous le lui rendions bien. [...] Tout prenait un sens érotique et tout devenait autel pour la religion de l'amour.(O.R.C. 2, p. 51)

[Arthur:] Pas un instant je ne pouvais cesser de l'aimer ni elle de m'adorer, par simple instinct de conservation. Ce n'est que dans le récit que j'emploie, en parlant de nous deux, le pronom personnel à la première personne du pluriel. Nous n'étions qu'une seule personne, une seule volonté, un seul amour. Aussi la volupté ne s'épuisait-elle jamais pour nous [...]. (O.R.C. 2, p. 56)

Aus Kapitel - Extrait du chapitre II: Récit d'Anicet

[La Parfumeuse:] Le sentiment qui t'anime, qui te porte, qui te possède, sans que tu le puisses définir, s'appelle désir en français, mot dont la traduction latine est précisément le nom même de l'amour. Par ce trait ingénieux, les Anciens marquaient que ce mouvement-là fait tout le prix de cette passion-ci. Le désir se réduit à l'attente de la volupté, accompagnée de la représentation anticipée de l'objet de notre transport. Sa puissance est seule infinie, et non celle de l'amour; elle transforme à son gré les imperfections en beautés, interprète les données des sens suivant l'idéal que nous nous proposons, de telle sorte que nous le réalisons toujours à coup sûr, anéantit en nous les préoccupations étrangères à l'idée qui nous domine et simplifie cette psychologie trop complexe, obstacle à la grandeur de nos actions. Ainsi, par un double travail dont l'effet paraît immanquablement, le désir modifie l'univers et nous-mêmes, qu'il embellit d'un même élan. [...] Le désir seul, n'en doute pas, me fait si belle et te transfigure [...]. [...] le désir nous conduit à la beauté. (O.R.C. 2, p. 64)

[Anicet:][...] la lumière n'appartient que passagèrement aux hommes et [...] les plaisirs dont nous nous croyons le mieux assurés sont précisément les plus illusoires et les plus éphémères. (O.R.C. 2, p. 68)

Aus Kapitel III - Extrait du chapitre III: Aventure de la chambre

[Mirabelle:] [...] vous comprenez l'amour à la façon la plus grossière.
- [Anicet:] Il n'en est qu'une. (O.R.C. 2, p. 74)

[Le Marchesino:] Nous avons mis de côté tous les préjugés, mais, cartésiens bien entendu qui ne pouvons vivre sans règle de conduite, nous avons pris notre esthétique pour morale, ce qui est d'une commodité très grande et d'une ingéniosité que vous apprécierez sans doute. (O.R.C. 2, p. 85)

[Le Marchesino:] Ainsi, quand une fois on s'est laissé aller sans réfléchir à certaines pensées, celles-ci revêtent l'apparence de vérités établies, lesquelles il faut combattre plus longtemps pour les chasser que les certitudes patentes, toujours à la merci de l'imagination. (O.R.C. 2, p. 86)

Notre association est anonyme, dit quelqu'un, et sa force réside en son anonymat. Le monde sent obscurément qu'elle existe, mais n'ayant pas de vocable pour la cataloguer, n'a aucune prise sur elle et n'est jamais rassuré à son sujet. L'histoire des récentes écoles littéraires nous a appris à nous défier des étiquettes. Les classiques n'avaient pas de nom et nous sommes les classiques de demain. (O.R.C. 2, p. 87)

Aus Kapitel IV - Extrait du chapitre IV: Anicet chez l'homme pauvre

[La mère d'Anicet:] Tu n'agis jamais, je te connais bien, que pour obéir à une conviction profonde. (O.R.C. 2, p. 90)

[La mère d'Anicet:] On est une jeune femme, puis un matin on a l'idée qu'on devrait se teindre. (O.R.C. 2, p. 91)

[Anicet:] [...] comment ne pas pleurer en me reniant moi-même? Je trahis l'enfant que je fus, avec décision, et je ne crains pas de m'avouer la mort des affections anciennes. Les fers tombent: je cesse d'être esclave de mon passé. (O.R.C. 2, p. 92)

On n'a pas besoin de se voir pour parler, reprit Chipre, cela permet de mentir à son aise. Comme cela serait gênant une lampe qui ferait voir la pensée! (O.R.C. 2, p. 95)

[Jean Chipre:] Pauvreté, pureté. La richesse dans l'art s'appelle mauvais goût. Un poème n'est pas une devanture de bijouterie, les créateurs sont ceux qui forment la beauté de matériaux sans valeur. J'admirerais sans réserve les sculpteurs qui nous donneraient des statues de carton. Bleu, le génie de cette période, se sert pour ses tableaux de papiers peints, de journaux, de sable, d'étiquettes. La richesse me paraît encore détestable de ces gens qui pour dire une chose trouvent toujours trois mots. Soyons plus pauvres. (O.R.C. 2, p. 95)

[Jean Chipre:] Croyez-moi cependant et faites voeu de pauvreté. Il faut savoir se garder de tous les développements faciles, se borner à exprimer une image sans la poursuivre. L'abondance nuit. Surtout évitez la description, fastidieuse et trop aisée, richesse de mauvais aloi. Il y a bien longtemps que nous savons tous les arbres verts. Tuez la description. Le souci de briller ne doit pas vous conduire. Il faut que vous soyez animé d'un véritable esprit de sacrifice, que vous risquiez de n'être pas entendu plutôt que d'exploiter une image ou une situation. Ayez en toute chose l'esprit de pauvreté. Le christianisme a compris admirablement l'importance de cet esprit en l'exigeant des prêtres, qui ne restent chastes que grâce à lui. Heureux les pauvres en esprit. (O.R.C. 2, p. 96)

Monsieur, dit Jean Chipre, est critique d'art? Que Monsieur me permette de regarder Monsieur. Critique d'art! Je n'avais jamais vu de si près un critique d'art. Quelle bonne fortune: je tourne autour d'un critique d'art, et il ne me mord pas. Mais si vous n'avez pas de plumes de couleur comme un perroquet, comment faites-vous pour être critique d'art? Est-ce par vocation qu'on devient critique d'art? Ou bien faut-il avoir des protections dans l'administration? Est-ce qu'il y a de l'avancement dans la critique d'art? Nourrit-elle son homme? En quoi consiste au juste le métier des critiques d'art? Font-ils voeu de chasteté? Ne jamais procréer, ce doit être bien dur. (O.R.C. 2, p. 98)

[le Bolonais, critique d'art:] Ma profession s'exerce facilement pourvu qu'on sache se servir de petits appareils, sortes de manomètres appelés critères, nom qui vient du mot américain critérium. De plus le critique d'art possède un certain nombre de clichés. L'aiguille du critère lui indique le numéro d'ordre du cliché à employer. Rien de plus simple. Enfin la mission du critique d'art est de rechercher les artistes qui par leurs théories et leurs oeuvres pourraient troubler la paix publique et de les dénoncer à la vindicte des gens de bien et de goût. Dès que l'ordre est menacé, il doit le rétablir en rendant la fraude et l'anarchie manifestes. Il ne recule pas devant le scandale, mais ne le provoque que pour le condamner. C'est somme toute, une façon de détective, un policier de l'art. (O.R.C. 2, p. 99)

[Anicet:] L'amour, le seul but de la vie. (O.R.C. 2, p. 100)

"À quoi reconnaît-on la présence de l'art dans une oeuvre? demanda-t-il [Anicet]. [...] À ce qu'on ne trouve pour en parler, répondit le critique, que des expressions toutes faites.
- Non, dit Chipre, à ce que l'on éprouve devant l'oeuvre la persuasion qu'on aurait pu la réaliser soi-même.
Mais Bleu: "Au trouble des joues sous le fard."
Anicet résuma: "Si je vous comprend bien tous trois, l'oeuvre d'art est celle devant qui l'on perd le sens critique. Par suite, la critique est une ineptie ou un sacrilège.
- Permettez, cria le Bolonais.
- La valeur d'une oeuvre, poursuivit Anicet, dépend donc de l'émotion qu'elle provoque.
- Qu'est-ce que cela peut bien vous faire? dit Bleu.
- Je vous vois venir, interrompit le critique, vous voulez démontrer la relativité de la valeur esthétique. Mais d'abord qu'est-ce que l'émotion?
- L'émotion, assura Bleu, c'est l'amour qui ne se connaît pas, quand la femme ouvre ses yeux ou son âme à l'improviste, ou l'instant que la tête se renverse."
Anicet, respectueusement, questionna: "Pour vous, le sentiment du Beau reste le même dans l'art que dans l'amour?
- L'art n'est qu'une forme de l'amour: cela paraît évident dans la danse, d'où découlent les arts plastiques, et dans le chant, d'où découlent la musique et les arts littéraires. Je n'ai jamais peint que pour séduire."
(O.R.C. 2, p. 101)

Aus Kapitel V - Extrait du chapitre V: La carte du monde

[Anicet:] Que le but soit ceci ou cela, je ne m'attacherai qu'au risque couru, et peut-être n'irai-je nulle part. (O.R.C. 2, p. 105)

[Anicet:] La voie de la réussite s'ouvre seule devant moi; je répéterai pour en rire la formule avec laquelle un homme d'un autre âge a cru stigmatiser le nôtre: De mon temps on n'arrivait pas. Je vais, moi, m'efforcer d'arriver. Y parvenir par ces bassesses seules qui ne marquent, ne déforment pas, c'est tout le problème (simple souci d'aisance, propreté physique). Programme: commettre en application de mes principes les actions mêmes qui sont défendues aux autres hommes parce que ces faibles en esprit ne savent pas les ériger en systèmes. Le monde s'offre à moi, le siècle (mais je ne suis qu'un bon apôtre), il faut me confondre à lui, qui seul me donnera le triomphe cherché. (O.R.C. 2, p. 106).

- Mais, dit Anicet, je ne peux pas me passer du scandale. Du moment que je me manifeste, je crée un scandale: si j'étends les bras, si j'éternue, si je pense. [...] Notre nudité mentale révolte aussi les spectateurs et si nous écrivons, nous nous écrivons. La poésie est un scandale comme un autre. (O.R.C. 2, p. 110)

Aus Kapitel VI - Extrait du chapitre VI: Mouvements

C'est alors qu'il[= Baptiste Ajamais] rencontra Harry James, l'homme moderne de qui les héros de romans populaires, de livraisons américaines et de films d'aventures ne représentent que de fragmentaires reflets. (O.R.C. 2, p. 116)

Ce même attachement à une beauté si difficile réunit vers ce temps-là Baptiste et Anicet. [...] Ils se sentaient voisins par les cent détails qui distinguent une génération des précédentes. Leurs moeurs, leurs sensibilités, leurs goûts étaient contemporains. Leurs aînés vivaient dans les cafés et demandaient à des philtres divers l'embellissement de leurs jours. Eux, ne se plaisaient que dans la rue et si, par hasard, ils s'arrêtaient à des terrasses, ils n'y buvaient que de la grenadine pour la belle couleur de cette boisson. Comme ils trouvaient, par les boulevards, le plein air à Paris même, ils n'éprouvaient aucun besoin d'aller à la campagne. (O.R.C. 2, p. 117)

"Ce qui fait le théâtre aussi mort pour nous, disait Anicet, c'est sans doute que sa matière unique est la morale, règle de toute action: notre période ne peut guère s'intéresser à la morale. Au cinéma, la vitesse apparaît dans la vie, et Pearl White n'agit pas pour obéir à sa conscience, mais par sport, par hygiène: elle agit pour agir. [...]" (O.R.C. 2, p. 118)

[Baptiste Ajamais à Anicet:] Tu parles, tu n'agis jamais: dans la rue tu lis toutes les affiches, tu pousses des cris devant toutes les enseignes, tu fais du lyrisme, et de quel lyrisme! faux, facile, conventionnel; tu t'exaltes, tu te fatigues, ça ne va jamais plus loin. [...] je saisis assez exactement ce que tu viens demander au cinéma. Tu y cherches les éléments de ce lyrisme de hasard, le spectacle d'une action intense que tu te donnes l'illusion d'accomplir; sous le prétexte de satisfaire ton besoin moderne d'agir, tu te rassasies passivement en te mettant à la plus funeste école d'inaction qui soit au monde: l'écran devant lequel, tous les jours, pour une somme infime, les jeunes gens de ce temps-ci viennent user leur énergie à regarder vivre les autres. Qu'on ne me parle plus du cinéma: nous n'avons rien à y prendre, l'impureté y règne et le jour où les gens de bonne volonté y introduiront des moyens artistiques, les rares attraits qu'il a pour nous disparaîtront. Le mal que cette mécanique te fait, en t'ôtant le goût de la vie, n'est balancé par rien. Assez. (O.R.C. 2, p. 118-119)

[Baptiste Ajamais à Anicet:] Tu te laisses vivre. Tu es d'une docilité à faire peur. [...] C'est la marque des esprits vigoureux que de se heurter sans cesse. Le tien [= l'esprit d'Anicet], sitôt qu'on lui ouvre une piste, l'adopte, s'y précipite, s'y complaît. Tu ne te rebelles jamais contre les impulsions qu'on te donne. (O.R.C. 2, p. 119)

[Baptiste Ajamais à Anicet:] Ce qui décide de l'admiration en Harry James, c'est qu'on ne sait pas trop s'il ne se tuera pas le lendemain, sans raison, ou s'il ne commettra pas un beau crime; on reconnaît en lui une force indisciplinée, le véritable homme moderne, qu'on ne saurait réduire à n'être qu'un spectateur. Rien ne l'apparie à l'artiste, au spéculateur: avant toute chose, il vit. Il recherche ardemment les plus violents plaisirs et plie tout à sa fantaisie. Loin d'accorder les circonstances avec un système poétique, il domine les contingences et agit avec une intensité telle, une rapidité telle, qu'il semble ne pas réfléchir et n'obéir à aucun plan. Un public le prendrait pour une marionnette. Ainsi, par un jeu bizarre, il semble à la merci de ce qui l'entoure, précisément pour la raison qu'il lui échappe, se dégage des lois communes de l'action, ne subit l'influence d'aucune réalité extérieure et visible, ne laisse à personne le temps de voir les motifs réels et tout intérieurs de ses gestes et de ses paroles. On ne peut se défendre en face de lui d'une continuelle inquiétude.(O.R.C. 2, p. 119)

Il [= Anicet] comprit qu'il ne ferait que suivre encore une fois la direction donnée, qu'il était sous l'influence de Baptiste. Encore qu'il fît preuve de lucidité, il céda à la honte de l'inaction et, volontairement, consentit à n'être qu'un instrument. Quelle puissance avait donc sur lui cet être autoritaire?(O.R.C. 2, p. 120)

Aus Kapitel VII - Extrait du chapitre VII: Mirabelle ou le dialogue interrompu

[Anicet:] Mirabelle, ô Mire! Ne savez-vous pas que pour vous, sans réfléchir, au premier signe, un beau matin j'ai gâché ma vie? [...]De quelque côté que je me tourne, je ne trouve que le désert. [...] Le plus simple, si on en avait le courage, ce serait de se tuer. (O.R.C. 2, p. 131)

[Anicet à Mirabelle:] Par la passion que j'ai mise à vous chercher, j'ai réformé tout en moi-même, jusqu'à ma propre sensibilité. [...] Songez que je sors, comme d'une forêt, de l'période où l'on regardait en soi à l'aide d'un système de miroirs. Alors on n'attachait pas d'importance au but poursuivi. On ne se plaisait qu'à la méthode employée pour l'atteindre. Le monde était gouverné par des esprits qui raisonnaient sur eux-mêmes. C'était l'période des solutions élégantes, on ne discutait même plus la formule l'Art pour l'Art, on l'inscrivait tout comme une autre au fronton des édifices publics. [...] Songez que mes aînés, épris d'autres images, vous eussent probablement trouvée laide et n'auraient pas compris ce charme de phare qui m'enivre plus qu'il n'est de raison. Pour parvenir dans votre orbe, quel labeur de tous les instants s'imposait à moi! [...] J'ai jeté mes yeux pour en mettre de neufs. J'ai appris à m'émouvoir de mille grâces qui me paraissaient exécrables. Plus fort que cet autre qui reconstruisit le monde, je me suis rebâti moi-même. Il s'agit bien maintenant de l'art pour l'art, il s'agit bien de s'extasier devant une méthode. Vous qui avez plongé dans mon coeur sans m'en demander la permission, vous y avez vu, écrite dans ma substance même, cette phrase qui synthétise votre propre idéal: la fin justifie les moyens. Moyens, vieilles divinités déchues. [...] Je ne m'embarrasse plus des difficultés qui faisaient jusqu'à présent la nourritures des hommes. Je ne veux plus être qu'une machine à atteindre les buts. Au rebut, les vieilles psychologies, les remords, les consciences, les préjugés et les absences de préjugés d'un seul bloc. [...] L'important, c'est le bouton de montée [...]. (O.R.C. 2, p. 132-133)

[Anicet à Mirabelle:] Je ne démêle plus ce qui est tragique de votre chevelure défaite. Elle demeure la seule réalité avec la tache blanche de votre robe et cette table, dans le jour trouble qui vient des persiennes, à laquelle vous êtes assise, qui vous prolonge comme une chair nouvelle. Ce mouvement insensé qui me porte vers vous, je ne puis plus l'appeler désir, ni d'aucun nom humain. [...] Ne comprenez-vous pas que j'arrache de moi tous les mots, comme des dents, pour perdre toute intelligence, toute sensibilité, toute raison, tout jugement, et me réduire à n'être qu'une volonté, Madame? (O.R.C. 2, p. 134)

[Omme à Mirabelle fraîchement mariée avec Pedro Gonzalès:] La beauté aux mains des marchands! (O.R.C. 2, p. 135)

L'instinct de défense le [= le revolver] lui [= à Anicet] fit saisir et, quand l'idée revolver se forma dans sa conscience, il avait déjà tiré: Omme gisait à ses pieds comme un pauvre savant lequel est une fois sorti de ses habitudes avec toute l'ingénuité d'un amoureux de quarante ans. L'esprit d'Anicet avait quelque retard sur les événements, il en résulta qu'une sorte d'hébétude flotta comme le petit nuage de fumée du coup de revolver. À vrai dire, c'est peu de chose qu'une vie humaine. Encore faut-il s'attendre à en détruire une. La mort d'Omme n'émouvait point Anicet, mais seulement qu'elle eût été si brusque et sans préparation psychologique. (O.R.C. 2, p. 136)

Aus Kapitel VIII - Extrait du chapitre VIII: Les seuils du coeur

[Un inconnu:] À vrai dire j'attendais mieux de la volupté. Elle n'a pas d'excuse d'être si courte et on peut aimer sans cesser de compter les fenêtres: il n'y en a que trois au plus dans les hôtels que vous ou moi pouvons fréquenter avec nos moyens restreints. (O.R.C. 2, p. 140)

[Un inconnu:] Que vais-je devenir si l'amour ne vaut pas la peine de vivre, maintenant que tous les autres vases se sont brisés dans mes mains? (O.R.C. 2, p. 142)

[Une jeune femme maigre et pauvrement vêtue à Anicet:] J'ai seulement appris qu'on cherchait à vous dissuader d'aimer et alors, sur mon grabat, je me suis souvenue de toutes les tendresses, de tous les serments, de tous les vertiges et je me suis levée pour vous apprendre quel doux ulcère on appelle amour. C'est une maladie qui ronge, un feu qui va de la tête aux pieds et on ne sait pas quel est le moment le meilleur, celui qu'on apaise cette fièvre derrière les rideaux, ou celui qu'elle bat son plein, quand on est seule et droite à la fenêtre ouverte, avec le linge pendu encore bleu au fil de fer, et que le regard s'en va loin heurter les façades et balayer les trottoirs sans rencontrer l'amant, le délicieux menteur qui sourit si bien dans ses beaux gilets gris perle! Le cher amour ne sait pas décevoir, Monsieur, car il a des cruautés étranges, amères comme les fruits exotiques des petites charrettes.
- Taisez-vous, dit une autre femme dont le visage était dramatiquement peint, l'amour n'est pas cette malsaine résignation. Je l'ai connu sous les climats les plus torrides. [...] Il y avait une hâte fébrile de s'atteindre, de s'étreindre, de bouleverser des yeux trop grands et des lèvres trop mûres.
(O.R.C. 2, p. 144)

[Un inconnu à Anicet:] L'amour est ta dernière chance.Il n'y a vraiment rien d'autre sur la terre pour t'y retenir. Qui sait? personne n'a pu essayer pour toi de ce philtre et l'expérience des autres ne vaut rien pour toi. (O.R.C. 2, p. 145)

[Un inconnu à Anicet:] Mais observe tout au moins qu'à une période où l'on peut, sans déchaîner de tempêtes, nier Dieu, la Patrie, le Foyer, on se ferait arracher les yeux si l'on déclarait que l'art n'existe pas. L'Art, le Beau, sont les dernières divinités des hommes. C'est ainsi que tes rivaux, libres en apparence de préjugés, s'embarrassent dans leur course du poids mort de l'Art, abstraction déifiée, denrée de conserve bonne tout au plus à nourrir les fossiles. Ils commettent cette erreur singulière de prendre Mire pour la Belle, alors qu'elle semble laide à bien des gens, et qu'elle est en réalité la Femme. Véritablement, Anicet, la Femme est ta dernière planche de salut. Pour la conquérir il faudra te battre, pour la conserver il faudra te battre, pour l'aimer même il faudra te battre: voici l'intérêt que tu peux encore prendre à la vie. Si cela ne te suffisait pas, mon cher ami, il ne te resterait qu'à plier bagage. (O.R.C. 2, p. 146)

Aus Kapitel IX - Extrait du chapitre IX: Décès

Qu'il est facile de causer préjudice à des indifférents, mais quelle douce violence on se fait quand on nuit sciemment à qui l'on aime! (O.R.C. 2, p. 155)

[l'effet de la peinture de Bleu=Picasso sur Anicet=Aragon:]La plus banale réalité tout à coup me parle directement sur un ton si lointain que les yeux se mouillent. Ce qui monte en nous, c'est l'amour de la vie soudainement provoqué par le spectacle des natures mortes. Quelle partie humaine se joue donc derrière ces apparences inertes? Rien n'aurait moins dû me faire songer à la vie, et la voici palpitante (beauté de ce mot vulgaire). Quelle douleur ou quelle joie réside au sein de celui qui nous la révèle? À tout instant, on le croirait à un tournant dangereux de ses jours. Un secret merveilleux l'anime à nous communiquer un trouble profond qu'il transforme pour nous et jamais nous ne saurons de quel drame ces paquets de tabac sont le signe, ni quelle exaltation traduisent ces mandolines. Il n'y a ici que l'émotion pure et si pareille à celle qui dort en nous qu'elle va l'éveiller comme la note harmonique fait un vase muet au fond de la pièce. On n'échappe pas à ce charme parce qu'on n'en saisit plus l'origine. Ce qui vient à nous est vrai, nous ne pouvons le réfuter. Comme on tremble subitement devant une pipe et quelle faiblesse nous met à la merci... À la merci de quoi? (O.R.C. 2, p. 156)

La force de fascination du peintre s'expliquait assez clairement: ne se substituait-il pas à nos sens pour interpréter le monde et de qui sommes-nous incessamment amoureux sinon de ces intermédiaires? comment ne pas s'éprendre de celui qui nous donne à tout instant l'équivalent humain des choses extérieures? Pauvre poète qui cherches à lutter avec tes malheureuses images verbales! Il y a pourtant des cris qui viennent de plus loin dans les coeurs des hommes que de cette zone facilement atteinte où règne l'amour des formes colorées. Si nous savions donner à nos instincts leur voix véritable et non ce chant monotone des cordes vocales quel pouvoir ne prendrions-nous pas sur tous nos semblables, que leurs cheveux soient ou non de la longueur des nôtres? (O.R.C. 2, p. 156-157)

Aus Kapitel X - Extrait du chapitre X: La Soirée chez Mirabelle

Nous ne sommes déjà que trop peu sûrs de nous-mêmes pour faire confiance à autrui. (O.R.C. 2, p. 165)

[Anicet:] Croyez-vous que le suicide change quelque chose à notre cruelle indécision? Ce qui nous satisfait à sa pensée, c'est cet aspect de solution, ce caractère définitif, qu'aucune de nos actions ne revêt de cette manière apparente. Mais ne nous trompons-nous pas? Pourquoi ce seul geste nous permettrait-il d'agir sur nous-mêmes quand tous les autres resteraient inefficaces? Si vraiment se tuer mène à quelque chose, il doit y avoir d'autres façons de résoudre le problème de la vie.(O.R.C. 2, p. 166)

Aus Kapitel XI - Extrait du chapitre XI: Prélude, choral et fugue

Mes amis, dit le marquis de la Robbia, ce qui nous a joints toujours, c'est un certain sens, un certain goût de se compromettre, un certain tour d'esprit dramatique.(O.R.C. 2, p. 169)

[le marquis della Robbia:] Il y a des émotions qui font tout le prix de l'existence, et qu'elles paraissent méprisables à l'homme que nous étions avant de les avoir goûtées ne nous les rend pas moins indispensables.(O.R.C. 2, p. 169)

[Anicet:] On mesure le degré de civilisation d'une période à la façon dont on y réussit les sorbets.(O.R.C. 2, p. 174)

Aus Kapitel XII - Extrait du chapitre XII: Le tour des choses

[Pedro Gonzalès:] On prend son bien où on le trouve.(O.R.C. 2, p. 177)

Aus Kapitel XIII - Extrait du chapitre XIII: Le corps en cage

[Anicet:]De quelque côté qu'on se tourne, il n'y a que des murs.(O.R.C. 2, p. 184)

[Anicet:]Chaque fois qu'il m'arrive d'être physiquement plus seul que de coutume, je m'étonne, je me découvre. (O.R.C. 2, p. 184)

[Anicet:]Quand je m'intéressais à autrui, je ne m'intéressais qu'à moi-même. (O.R.C. 2, p. 185)

[Anicet:]Une jolie victoire: j'ai tué les points d'interrogation. Les questions ne se posent plus, c'est très simple.(O.R.C. 2, p. 185)

[Anicet:]"Je suis entre les mains de la justice" n'est pas une constatation plus désagréable que "Je suis au monde". La vie rappelle d'assez près le service militaire.(O.R.C. 2, p. 186)

Aus Kapitel XIV - Extrait du chapitre XIV: Duel

[Baptiste Ajamais:] Les femmes ne sont très belles qu'autant que les hommes le veulent bien.(O.R.C. 2, p. 193)

[Baptiste Ajamais:] Tous les moments de la vie sont tragiques.(O.R.C. 2, p. 196)

[Baptiste Ajamais:] La folie, ma chère, n'est pas une solution acceptable, parce qu'on ne l'enferme jamais tant que le fou ne se possède encore. Le suicide serait un séduisant voyage de noces si l'on était sûr qu'il y eût un esclavage après lui. La plus belle invention poétique des hommes, c'est l'enfer.(O.R.C. 2, p. 196)

[Baptiste Ajamais:] Au reste tout n'est que mythologie.(O.R.C. 2, p. 197)

[Baptiste Ajamais:] On peut infiniment exiger d'une femme.(O.R.C. 2, p. 197)

[Baptiste Ajamais:] Je ne promettrai rien, il n'y a pas d'assurance sur l'amour.(O.R.C. 2, p. 198)

[Mirabelle:] Je ne mens pas. Je ne peux pas mentir, car tout ce que je dis, je le pense aussitôt. (O.R.C. 2, p. 198)

[Mirabelle:] Qu'est-ce que Dieu à côté de la femme? C'est moi qui ai tout créé. Tout vient de moi, tout y retourne. (O.R.C. 2, p. 198)

[Baptiste Ajamais:] La merveille de notre vie, c'est précisément que rien n'a l'importance que nous lui accordons. (O.R.C. 2, p. 199)

[Baptiste Ajamais:] Le jeu consiste à atteindre sa limite dans toutes les directions avant de mourir.(O.R.C. 2, p. 199-200)

[Baptiste Ajamais:] Le désespoir ne prouve rien, il suppose l'espoir et c'est tout. Je ne nie pas la souffrance, je la constate, mais je m'y trouve comme un poisson dans l'eau.(O.R.C. 2, p. 200)

Aus Kapitel XV - Extrait du chapitre XV: Le Café du Commerce à Commercy

[Anicet:] J'ai à ajouter que ce n'est pas ici le procès de quelques hommes et d'une femme qui se fait. Ce n'est pas non plus le procès de la justice. C'est le procès de la vie. [...] Aussi, décidé à en finir, j'avoue être coupable de tout ce dont on m'incrimine. (O.R.C. 2, p. 208)

[Letzter Satz - Dernière phrase du roman: Arthur:] "[...] Je fais les présentations: Monsieur Tisaneau, notre quatrième à la manille, Monsieur Prudence, agent voyer - puis, désignant le vieillard - et Monsieur Isidore Ducasse, ancien receveur de l'enregistrement, un bien digne homme." (O.R.C. 2, p. 209)



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Letzte Änderung - Dernière mise à jour: 07.04.97
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