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Louis Aragon - La Mise à mort

Zitate - Quelques citations


Zitate - Quelques citations

Aus - Extrait de "Le miroir de Venise"

Quel est le sujet de mon livre, à vrai dire... l'homme qui a perdu son image, la vie d'Antoine Célèbre et d'Ingeborg d'Usher, le chant, le réalisme ou la jalousie? Rien de tout cela, et tout cela, bien sûr. (p. 22)

D'ailleurs le roman pouvait avoir plusieurs sujets, comme plusieurs personnages. Du point de vue d'Antoine, cela pouvait bien être le roman de quelqu'un qui a perdu son image, tandis que du point de vue de Fougère ce serait un roman sur le réalisme ou le chant, et ainsi de suite. (p. 23)

Il y a des femmes qu'avec le temps j'ai oubliées, leur visage, leur nom: je me souviens pourtant de la douleur que j'ai eue d'elles, j'en garde un portrait ressemblant. (p. 28)

Fougère disait: "Pourquoi donc est-il si méfiant, Staline? Je ne comprends pas un monde où la méfiance est la règle, si on doit changer le monde est-ce que ce n'est pas pour que la confiance y règne?" Et moi je pensais que tu mettais les bouchées doubles: la confiance viendrait plus tard, après... Tu te fâchais, tu disais: alors c'est par la méfiance qu'on arrivera à la confiance? J'essayais de t'expliquer que c'est ça, la dialectique. (p. 49)

[...] mais en tout cas il [= Gorki] avait accepté que les choses se passent comme elles se passaient, sûrement. Il en devait voir la continuité, Tolstoi, Tchékhov, lui... une continuité par lui de la Russie profonde, le peuple héritier, et par lui cette liaison... Je peux comprendre, d'une certaine manière, comment tout cela devait se combiner en lui. Une sorte de sentiment de la responsabilité. La conscience de jouer un rôle que personne d'autre ne pouvait tenir. Puis, quand on a accepté... Est-ce qu'il avait perdu l'esprit critique? Sûrement pas. Mais la question est de savoir comment il s'exerce, et quand cela vient de quelqu'un comme lui, je veux dire de quelqu'un qui s'est trouvé porté, à plus ou moins juste titre, si haut, en pleine lumière, devant tous, comment un Gorki n'aurait-il pas d'abord cette crainte qu'un mot de lui, même traduisant sa pensée, puisse nuire, déconcerter, démoraliser? (p. 49)

[...] j'en parle comme alors, avec cette absence de mesure des nophytes [...]. (p. 50)

[Comparant les "gueules" de communistes russes qui l'importunent aux funérailles de Gorki à celles des hommes de Doriot sous l'occupation, le narrateur se demande:] Quelles sont les limites du réalisme? De toute façon, le démon de l'analogie n'a rien à faire avec lui. [...] À l'époque en tout cas [=1936], je ne me posais pas la question, j'aurais trouvé inimaginable des analogies de ce genre, puisque la forme, pensais-je, n'est plus la même si le contenu est différent. Et qu'un monsieur qui a une sale gueule s'il est le siège d'une idéologie... ou à peu près. D'ailleurs, aujourd'hui même, je continue à trouver cela inimaginable. Comme certains faits de la physique ou des mathématiques, que j'admets, parce que les gens qui savent me disent que c'est comme ça, mais à quoi je ne puis donner en moi image, que je ne peux imaginer. Ni non plus ceux qui savent, d'ailleurs. (pp. 51-52)

"Tu es stupide,- me dit Fougère. - Tu passes d'un extrême à l'autre, je te dis souvent que tu admires tout à tort et à travers, et puis voilà! [...]" (pp. 53-54)

Et d'ailleurs, moi, qu'est-ce que ça m'a appris? [= la découverte qu'il y a des "gangsters" aussi parmi les communistes russes] Rien du tout. Au bout du compte, je ne voyais que ce joli métro, les stations de marbre, les statues. Après ça, parlez du réalisme. On a les faits devant son nez, et on s'en tire avec un beau raisonnement. [= A propos de faits négatifs on se dit:] C'est une petite chose après tout. Il n'y a qu'à rétablir le contexte, placer le détail à l'échelle de cette immense réalité, à son échelle de détail. Et puis, c'est de tout qu'on juge comme ça . De toutes les choses de la vie. (p. 54)

D'autres, devant les fusils, quand ils avaient si peu de temps, si peu de mots à leur dernière bouche, juste la place d'un cri, leur pays, trouvèrent encore à jeter aux bourreaux ce seul defi, Staline... comme tout est amer, amer, je pense à toi, Michel [= Koltzov], à ce qu'aurait été l'avenir avec ceux qui rêvaient vivre selon la justice, du ciel comme des hommes.
Quel désordre, mon Dieu, quel désordre! Il n'y a pas que moi qui ai perdu mon image. Tout un siècle ne peut plus comparer son âme à ce qu'il voit. Et nous nous comptons par millions, qui sommes les enfants égarés de l'immense divorce.
(p. 58)

Aus - Extrait de "Lettre à Fougère sur l'essence de la jalousie"

À ceux pour qui la vie est un rêve entre deux sommeils shakespeariens, qu'on le reproche, qu'on le reproche donc, bien que celui-là qui le fait sans doute ignore sa cruauté... mais me pardonnerez-vous, hommes et femmes pourtant de qui si souvent je saigne, de dire qu'entre toi [= Fougère] et moi elle [= la vie] fut un immense jeu, et nous avons joué au bonheur, et nous avons joué aux visites, et nous avons joué à vivre comme à mourir, [...] nous avons joué, joué de toute chose, à toute chose, contre le malheur et le temps, nous avons joué aux histoires, et nous étions nous-mêmes d'autres, d'autres toujours réinventés, pour recommencer l'aventure, un beau jour et te rencontrer... [...] Rêve ou jeu, vois-tu, c'est tout comme, et l'avons-nous joué, rêvé, ce lieu où tu te réfugies, quand Paris t'épuise de gens, de cris, de roues, et d'exigences? [= allusion au moulin de Villeneuve à Saint-Arnoult-en-Yvelines] (pp. 62-63)

J'appelle amour cette jalousie de toute chose, cette humiliation de l'homme à deviner sans cesse dans la femme par quoi elle lui échappe, et attentive qu'elle soit de le lui taire, quoi que ce soit qu'elle lui préfère, dans cette préférence le trahit. Qui aime vraiment d'amour est humilié devant la femme, comme le sont devant leur Dieu ceux qui ont inventé l'amour divin. Qui aime vraiment d'amour, de cet amour qui n'est à la merci ni du temps, ni de l'absence, il mesure sans cesse à l'éclat de la femme son obscurité, sa grossièreté de corps et d'âme, car aimer c'est être blessé par ce qu'on aime, avec une singulière ivresse de l'être sans doute, mais blessé comme est l'infirme par la force, comme l'aveugle d'entendre parler de la lumière, aimer c'est éprouver sa hideur devant la beauté, ses limites devant l'illimité. (p. 64)

Mais non, je ne prétends pas réinventer l'amour, je l'ai cherché, j'ai cru l'atteindre, il s'est dix fois, je dis sans compter dix, entre mes mains brisé. Tu es venue enfin, et je n'ai plus souffert à jamais que de toi. (p. 64)

[...] être jaloux est le propre de l'homme, différent de cette jalousie bestiale, laquelle n'est qu'un sentiment de propriétaire lésé sur son champ, comme sont différents les yeux de l'homme des yeux du loup! [...] je dis qu'il n'y a rien de plus ignoble, de plus bas que cette démagogie du cocu, qui fait le succès des comédies. Je dis qu'il n'y a rien de plus haut, de plus noble en nous que cette jalousie, dont je prie qu'on m'épargne caricature, ou je vais sangloter devant vous. Je dis que l'homme n'est homme à la fin que s'il atteint ce sommet de lui-même, être jaloux, constamment, totalement, par chaque souffle et chaque arrêt du souffle, à tort ou à raison, pareillement jaloux. [...] Fou qui tranquillement croit jamais être aimé! (pp. 66-67)

[...] l'on voit bien que, par roman, si ceci signifie quelque chose, Pouchkine voulait dire sa vie. (p. 68)

[...] on a tort de ne pas faire attention à chaque mot de qui vous aime, aucun n'est indifférent, le plus banal, un mot de hasard, semble-t-il, il n'y a pas de mot si fortuit que sur lui ne se joue la vie, ah, prends garde. (p. 70)

Aus - Extrait de "Deuxième conte de la chemise rouge: Le Carnaval"

...Il faisait presque nuit déjà, je rêvais, je ne lisais plus, j'avais renoncé à cet enchantement de la langue ennemie, qu'il me semblait alors aimer par désobéissance, ce qui est le plus enivrant amour. Cette langue des jeunes gens morts, entre lesquels nous avions marché depuis octobre, dans les tranchées abandonnées, les houblonnières ... Cette langue des Lieder, que je m'étais habitué à parler en secret avec moi-même:
			Die Nachtigallen schlagen
			Hier in die Einsamkeit
			Als wollten sie was sagen
			Von der alten, schönen Zeit...
Qui c'est? Eichendorff, bien sûr. Je souris en dedans de ce bien sûr-là, ce snobisme! Pourtant je prends ma défense contre moi-même: au lycée, le fait est, j'avais d'un professeur contracté le goût d'Eichendorff entre tous les poètes d'Allemagne. Je sais plus de vers d'Eichendorff que de Musset ou de Lamartine. (pp. 239-240)





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Letzte Änderung - Dernière mise à jour: 16.02.97
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