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Wolfgang Babilas

Notice sur Aragon surréaliste en Allemagne


Aragon a été très tôt découvert en Allemagne. La première mention de son nom dans une revue de langue allemande se trouve dans La Revue Rhénane. Rheinische Blätter (no 11-12, 1921, p. 774). Mais ici il s'agit de la traduction de l'article d'un Français, Eugène Montfort, paru auparavant dans la revue Les Marges, XX, p. 82. Sous le titre "Dadaïsmus und andere Dummheiten" ("Dadaïsme et autres bêtises") l'auteur s'en prend à un texte d'André Thérive paru dans la Revue Critique, pour son chauvinisme (Dada serait une littérature non-française, soutenir celle-ci serait un crime contre l'État), et explique Dada comme l'expression caractéristique de l'esprit de l'époque actuelle. Dans cet article, Aragon est le seul des dadaïstes dont le nom soit donné par l'auteur:
"Les dadas, enfants de leur époque, connaissent l'omnipotence de la réclame et la bêtise sublime des amateurs (bien que très jeunes, ils ne sont pas des enfants) et s'en servent pour se faire une petite gloire... Certes, les hommes de talent s'imposent finalement. On parle d'Aragon, bon, nous pouvons attendre...
Le premier critique allemand à parler d'une de ses oeuvres fut Otto Grautoff, ami de Thomas Mann, traducteur, entre autres, de Jean-Christophe de Romain Rolland, et président de la Société franco-allemande. Dans sa rubrique "Lettre de France", publiée à intervalles réguliers dans la revue Die Literatur, il présente dès le début de 1925 Le Libertinage au public allemand (Die Literatur, 27e année, 1924/25, p. 294):
"Louis Aragon fait partie de ces milieux de la jeunesse française qui trempent leurs forces dans des paradoxes plus ou moins spirituels. [...] Aragon se complaît dans des thèses et des antithèses. Il fait tomber des dieux et met le philistin sur le trône. Comme le meilleur des dadaïstes, il sait épater par le renversement de valeurs anciennes, par des surprises amusantes. Réunies sous le titre Le Libertinage, ses ébauches de nouvelles, de drames et d'essais, rapidement jetées sur le papier, présentent un charme blasphématoire et frappent la sensibilité bourgeoise en plein visage. De loin en loin, comme dans 'La demoiselle aux principes' et 'L'armoire à glace, un beau soir', de folles fantaisies shakespeariennes sortent de sa plume comme des lutins."
La même année, le grand critique et romaniste Ernst Robert Curtius prend la relève. Dans l'hebdomadaire Die literarische Welt du 13 novembre 1925, il publie, sur quatre colonnes, un article intitulé "Louis Aragon par E. R. Curtius", article repris, en traduction française, par La Revue nouvelle (no 14, janvier 1926, p. 7-9). On y trouve des éloges enthousiastes:
"Mais lire Aragon est vraiment pour moi un de ces délices intellectuelles dont la littérature moderne est assez avare. Car, tandis que les modes littéraires passent, Aragon possède ce qui dure au delà de toutes les vicissitudes de l'opinion à travers les générations: un tempérament original, le charme, la fantaisie et un style d'une élégance tranchante. Dès la première rencontre avec ses livres, on sent le fluide indéfinissable du talent robuste et véritable. Et l'on se dit: ce nom-là survivra. [...] Il révoltera bien des lecteurs, et c'est bien là ce qu'il veut. Il est l'enfant terrible de la plus récente littérature française. Deux désirs élémentaires de la jeunesse éclatent passionnément dans ses livres: le besoin de détruire et la faim charnelle de l'amour. Ce sont les mêmes matières explosives que chez Rimbaud. Et, comme chez Rimbaud, la volupté de l'invective. Mais derrière cela, une secrète, douloureuse recherche."
Suit la présentation en détail des deux ouvrages d'Aragon sur lesquels se fonde le jugement de Curtius: Anicet ou le panorama, roman et Le Libertinage. L'article se termine par les mots:
"Aragon met notre monde en pièces, parce qu'il ne peut pas s'en accomoder. Son monde est le pays des rêves."
Plus tard, E. R. Curtius consacre un article au surréalisme (terme qu'il rend par "Der Überrealismus") qu'il publie dans la célèbre revue Die Neue Rundschau (t. 37, 1926, p. 156-162), pendant allemand de la N.R.F. Ici, Curtius brosse un tableau plutôt négatif du surréalisme dont il saisit pourtant la visée:
"Du point de vue de l'art, le surréalisme n'est pas intéressant. Et il ne veut pas l'être."
Après avoir renvoyé à la "Lettre ouverte à Paul Claudel", il commence par constater:
"La négation de l'art fait partie de la définition du surréalisme. Par conséquent, il ne relève, au fond, pas de l'histoire littéraire."
Et il poursuit:
"Mais, comme chaque mouvement intellectuel, il a, lui aussi, ses dissidents. Ceux-ci peuvent, à l'encontre du programme, créer des choses artistiquement valables. À ce danger, me semble-t-il, Aragon se trouve très exposé, s'il ne lui a pas déjà succombé."
Curtius parle ensuite du tract "La Révolution d'abord et toujours", dont il cite le passage final, et caractérise le "Manifeste du surréalisme". Il lui oppose "Une vague de rêves" d'Aragon:
"La présentation de l'expérience surréaliste donnée par Aragon dans son texte en prose 'Une vague de rêves' est beaucoup plus impressionnante, saisissante, convaincante, importante que l'exposé quelque peu doctrinaire de Breton. Ces pages ont le timbre irréfutable de la profondeur, elles ont le contour précis et pur qui trahit la main d'un grand écrivain. Ce qui paraissait une pâle théorie littéraire devient ici douloureux comme un cauchemar et le langage d'Aragon nous fait sentir le même souffle glacial de l'horreur que le graphisme d'un Méryon. Tous les deux reproduisent les frissons de délire provoqués par les moments où l'édifice de l'univers se lézarde et semble se disloquer."
C'est maintenant le tour de Walter Benjamin, traduisant des extraits du Paysan de Paris, qui paraîtront, pourvus d'un "chapeau" du traducteur, dans deux numéros consécutifs de Die literarische Welt (juin 1928), et publiant, dans le même hebdomadaire, son article bien connu sur le surréalisme ("Der Sürrealismus. Die letzte Momentaufnahme der europäischen Intelligenz", Die literarische Welt, nos des 1er, 8 et 15 février 1929). En octobre 1931, Die literarische Welt donnera la traduction (par Ruth Landshoff) de "Quelle âme divine!", premier conte du Libertinage, en le présentant comme "un exemple du surréalisme parisien, bien fameux, mais trop peu connu chez nous" (ne s'apercevant donc pas qu'il s'agit d'un texte écrit par Aragon enfant).
Aragon ne reparaîtra en Allemagne qu'après la fin de la dictature national-socialiste. Laissant de côté les recherches faites sur l'oeuvre surréaliste d'Aragon par un certain nombre de romanistes allemands, je me borne ici à signaler brièvement le travail des traducteurs. Le recueil collectif Surrealismus 1924-1949. Texte und Kritik, éd. et introd. par A. Bosquet (Berlin: Karl H. Henssel Verlag, 1950) comprendra des extraits du Traité du style (trad. par W. Rüttenauer). Mais ce n'est qu'en 1969 que paraîtra une traduction allemande complète (malheureusement très incorrecte) du Paysan de Paris. La même année verra la parution du Con d'Irène (trad. par I. Walther-Dulk et R. Weisert). Suivront en 1972 Anicet ou le panorama, roman (trad. par L. Babilas), en 1973 Le Libertinage (trad. par L. Babilas), en 1980 Les Aventures de Télémaque (trad. par L. Babilas), tous salués dans la presse allemande et germanophone par de grands articles élogieux. Le recueil collectif Surrealismus in Paris 1919-1939, éd. par K. Barck en 1986 à Leipzig, contiendra un certain nombre de textes surréalistes d'Aragon. Après la traduction du Traité du style (par J. Graf-Bicher) en 1987, tous les livres surréalistes d'Aragon publiés du vivant du poète seront accessibles au public allemand. Ajoutons que depuis octobre 1996, celui-ci peut lire Le Paysan de Paris dans une nouvelle traduction (par L. Babilas) qui, pour la première fois, rend consciencieusement le texte de l'original. Dans cette traduction, l'oeuvre fut placée parmi les dix livres de la "SWF-Bestenliste" ("liste des meilleurs livres du mois") du mois de février 1997, liste établie chaque mois pour la radio "Südwestfunk" par un jury composé de 37 critiques allemands, autrichiens et suisses de renom et destinée à désigner les livres auxquels le jury souhaite "le plus grand nombre de lecteurs".
Un regret pourtant: exception faite de quelques poèmes traduits ici ou là, aucun des recueils poétiques relevant de la période surréaliste du poète n'a jusqu'à présent été traduit en allemand.

31.01.1997
Version révisée: 05.02.98



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