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Matthias Hamann: Die burgundische Prioratskirche von Anzy-le-Duc und die romanische Plastik im Brionnais
Würzburg: Deutscher Wissenschafts-Verlag 2000
Bd. I: 381 S., Bd. II: 289 S., 599 Abb., 80 Pläne, broschiert
Euro 71,48; DM 139,80; SFr 116,50; ATS 978,60
ISBN 3-9806424-5-3




Deutsche Zusammenfassung



S o m m a i r e :

Matthias Hamann: L'église priorale d'Anzy-le-Duc en Bourgogne et la sculpture romane en Brionnais

Depuis une dizaine d'années, les études scientifiques se sont multipliées concernant le patrimoine roman de la Bourgogne du sud. A l'extrême sud de cette région, l'église priorale d'Anzy-le-Duc, en Brionnais, a été au centre des discussions. Jusqu'à présent, personne n'avait jamais considéré l'art roman du Brionnais dans sa globalité même si la perspective évolutive avait déjà été reconnue et soulignée depuis quelques années.

De même, il manquait une analyse approfondie du contexte historique permettant de connaître plus clairement les forces d'impulsion qui ont favorisé et influencé la construction de ces églises. Le travail que nous avons entrepris et achevé en 1998, dans le cadre d'une thèse de doctorat, visait à combler cette lacune scientifique. Il consiste en une monographie sur l'église priorale d'Anzy-le-Duc, incontestable chef d'œuvre de l'art roman en Brionnais. C'est aussi un essai de présentation de toute la production artistique de cette région entre 1080 et 1140 environ.

Anzy-le-Duc a toujours été regardé comme le «chaînon manquant» («the missing link») entre l'art du XIème siècle et les grandes créations de l'époque romane en Bourgogne telles que Cluny et Vézelay. Mais l'influence de cette construction sur l'architecture et la sculpture de cette région si riche n'a jamais été analysée. Pour cette raison, l'église d'Anzy-le-Duc tient une place centrale dans ce travail de recherche qui met l'accent, principalement, sur la sculpture. L'un de nos buts principaux a été d'identifier les différents ateliers de sculpteurs qui ont dominé la production artistique brionnaise.

Le cadre potentiel d'un foyer artistique autonome

Il ne suffit pas d'une analyse de l'arrière-plan artistique pour arriver à une estimation valable de l'église d'Anzy-le-Duc et notamment de son décor plastique. Il est indispensable de discuter et préciser la notion de «pays brionnais» et sa pertinence au niveau de la recherche scientifique. Aussi, l'introduction de notre travail doit se comprendre comme un lieu de discussion et de débat entre les différentes opinions des chercheurs dans les domaines de l'histoire et de l'histoire de l'art concernant le Brionnais. Cette introduction est suivie d'une analyse du contexte historique.

Aux XIème et XIIème siècles, le pouvoir politique, dans ce territoire, est concentré dans les mains de deux familles nobles: Les Semur et les Le Blanc. Les sires de Semur contrôlent alors un territoire assez cohérent se trouvant dans la partie occidentale du Brionnais. Les Le Blanc qui sont, en même temps, vicomtes de Mâcon, sont possessionnés dans l'est et le sud-est du Brionnais, une zone au relief assez accentué, marquée par une succession de collines et de montagnes de moyenne altitude. Au nord de la rivière de l'Arconce qui sépare, grosso-modo, le Brionnais du Charolais, sont installés plusieurs des vassaux du comte de Chalon. Toutes ces familles nobles ont eu des relations, à un moment ou à un autre, avec les principaux monastères de la région. Les liens quasi familiaux entre la maison de Semur et l'abbaye de Cluny ont conduit à la fondation du prieuré des dames de Marcigny et à l'extension de la puissance clunisienne en pays brionnais. Tout se passe comme si les plus importants prieurés clunisiens, autour de Marcigny, Charlieu et Paray-le-Monial (une fondation des comtes de Chalon) s'étaient partagés entre eux la plupart des églises paroissiales. Mais il faut rappeler qu'une partie des structures paroissiales existait déjà au XIème siècle, peut-être même au Xème siècle.

Cependant, toutes les églises du Brionnais n'étaient pas sous le contrôle de Cluny. Par exemple, le prieuré d'Anzy-le-Duc, fondé au IXème siècle, appartenait à l'abbaye de Saint-Martin d'Autun ainsi que les possessions qui en dépendaient. On peut citer une autre abbaye importante, dans le sud du Brionnais, celle de Saint-Rigaud. Fondé à l'initiative de la famille des Le Blanc comme un centre monastique autonome, cet établissement semble avoir servi de foyer de résistance à l'expansion de la puissance clunisienne dans cette zone méridionale de la Bourgogne.

On sait que le système des donations était à la base de la puissance temporelle et donc, du rayonnement spirituel des monastères. En accord avec les prescriptions de la réforme grégorienne, les églises paroissiales, de même que la plupart des chapelles rurales (églises pour les laïcs) ont été peu à peu données aux monastères, de telle sorte que le système des «églises privées» («Eigenkirchen») touche à sa fin dans la deuxième moitié du XIème siècle. A partir de 1100 environ, les riches donations servent d'assise financière aux constructions d'églises.

Anzy-le-Duc: les différentes phases de construction

La fondation du monastère d'Anzy-le-Duc remonte à l'époque carolingienne, en 876. On l'attribue au moine Hugues de Poitiers, originaire de l'abbaye de Saint-Martin d'Autun, lequel fut vénéré comme un saint après sa mort, vers 930 (voir «Vita Hugonis»).

L'église d'Anzy-le-Duc est constituée d'une nef principale à cinq travées voûtées d'arêtes avec deux collatéraux, un transept saillant avec un chœur orné de cinq absides échelonnées, enfin une crypte-halle sous la zone du chœur. On peut distinguer cinq phases principales dans la construction de l'église.

Phase I: Cette première phase concerne la crypte et toute la partie basse du chœur jusqu'à une hauteur des murs d'environ 1,50 mètre. Il faut rejeter l'idée selon laquelle la crypte serait une partie autonome du bâtiment car son plan au sol correspond exactement au projet du chœur à absides échelonnées. Dès le point de départ, le plan semble avoir été conçu avec un chœur à cinq absides. De la sorte, les dimensions du transept purent être déterminées dès cette première phase de construction.

Phase II: La deuxième phase de construction comprend deux étapes distinctes (phases IIa et IIb). Pendant la phase IIa, on a terminé les absides et le chœur, les piliers orientaux de la croisée et les croisillons du transept. En ce qui concerne la partie occidentale du transept, nous ne disposons d'aucune information valable. De plus, on ne sait pas si ce transept était attaché à une première construction antérieure à l'église actuelle (Anzy I), laquelle construction est mentionnée dans les documents («Vita Hugonis»). D'autre part, nous ne savons pas si le transept était voûté, dans cette phase IIa. L'épaisseur des murs semble indiquer un tel voûtement en berceau. Selon toute vraisemblance, cela n'était pas possible sans la présence d'une vraie croisée dont l'existence, à cette phase de la construction, reste incertaine. La même question se pose à propos du clocher.

Dans la phase IIb, le transept primitif est transformé dans sa forme actuelle de sorte que la nef future puisse lui être rattachée. Dans le même temps furent achevés les piliers occidentaux de la croisée, les arcs de communication entre les croisillons et les bas-côtés, la coupole et les voûtes en berceau des bras du transept. A la fin de cette phase que nous appelons IIb, le clocher fut projeté dans sa forme octogonale.

Phase III: Lorsqu'on arrive au stade de la construction de la nef, on observe que celle-ci se distingue nettement du bloc oriental par ses proportions et sa structure architecturale. Mais on constate également que l'on a réussi à éviter une rupture entre ces deux parties de l'édifice en transformant le transept primitif et en adaptant les dimensions de la nef à l'usage liturgique du chœur. La nef provient d'une conception unique qui intègre les deux dernières travées occidentales et la façade qui seront pourtant édifiées dans une phase ultérieure que nous appelons la phase IV.

Phase IV: Cette phase se distingue clairement du commencement de la construction de la nef par le progrès du voûtement et de la technique de construction de sorte qu'on doit rejeter l'idée d'un développement linéaire. On doit imaginer une interruption des travaux et une reprise par un autre atelier. Cette hypothèse est tout à fait vraisemblable car on observe, dans ces deux travées occidentales une série de marques de maçons qui n'existe pas dans les autres parties de l'église. Cet atelier a vraisemblablement réalisé le clocher, en s'inspirant d'une conception antérieure qu'il n'avait plus à inventer.

La sculpture: En ce qui concerne la sculpture, on distingue des phases tout à fait comparables. Si l'on observe les choses globalement, on peut identifier six ateliers avec leurs maîtres qui ont travaillé sur le chantier d'Anzy-le-Duc. Le plus important étant l'atelier qui a travaillé dans la nef.

  1. La partie orientale.
  2. La nef.
  3. La partie occidentale.
  4. Le portail sud.
  5. Le clocher.
  6. Le portail d'entrée principal du monastère dit «portail d'Arcy».

En ce qui concerne l'atelier qui a travaillé dans les travées occidentales et au portail ouest, nous constatons un changement de style qui correspond au changement de la technique de construction et du langage architectural. Cela montre clairement que l'équipe des sculpteurs a changé en même temps que celle des tailleurs de pierre. Si on observe les relations entre la nef et le transept, on trouve quelques éléments constants au niveau de la sculpture. Il est possible que l'un des sculpteurs ayant travaillé dans la croisée soit resté sur place après l'achèvement de la partie orientale.

Les sculpteurs qui ont crée les chapiteaux de la travée de chœur et de la croisée sont aussi les auteurs des modillons sculptés à l'extérieur du chevet; on peut l'appeler «l'atelier d'Anzy-est». Malgré des restaurations évidentes, nous pouvons déterminer le style de cet atelier à partir de quelques fragments conservés au musée de la Tour du Moulin à Marcigny. Les chapiteaux du clocher sont à rattacher à une phase différente.

Dans la nef, on distingue plusieurs «mains» ayant fait partie d'un même groupe que l'on peut appeler «l'atelier d'Anzy-nef», lesquels sculpteurs n'appartiennent pas au même milieu artistique, malgré l'impression d'une série en apparence cohérente.

Cette apparence d'unité provient des conditions et du cadre de travail qui réglementent le choix du matériau, les dimensions et la forme du bloc de pierre. Mais une observation plus minutieuse fait apparaître des différences de détail, même entre des pièces sculptées. Ce qui fait l'unité, c'est en quelque sorte un même langage «conservateur» que l'on observe aux chapiteaux de la croisée et qui semble s'être répandu dans toute la nef.

Derrière cette apparence d'unité, la diversité est omniprésente. Aussi, parmi les chapiteaux historiés qui montrent une structure et une composition plutôt statiques, on en découvre plusieurs qui dépassent manifestement la tradition régionale. Il faut les reconnaître comme des chapiteaux historiés qui utilisent des modèles étrangers au Brionnais et qui témoignent de l'influence clunisienne. (Cluny III)

Le sculpteur de ces chapiteaux historiés d'un genre nouveau a crée le linteau du portail occidental. Il semble avoir travaillé parallèlement à l'atelier qui a terminé les travées occidentales avec leurs chapiteaux. Ce même atelier est aussi responsable du tympan, des archivoltes et de la fenêtre de la façade occidentale. Toute cette partie occidentale marque un tournant, presque une ère nouvelle parce que l'on constate ici et pour la première fois, l'influence artistique de Cluny.

Quant au portail sud et aux modillons extérieurs, ils furent réalisés par un autre groupe de sculpteurs que l'on appelle «l'atelier du Donjon» qui a produit le tympan tardif de l'église romane de Neuilly-en-Donjon. On n'a guère de renseignements sur l'origine de cet atelier et ses sources d'inspiration artistique. Les sculpteurs de ce groupe s'inspirent de quelques éléments du linteau du portail occidental et des chapiteaux de la nef.

En ce qui concerne la sculpture du clocher, il n'est guère possible de définir sa place par rapport à l'ensemble du décor sculpté d'Anzy-le-Duc car les chapiteaux sont très frustes et destinés à être vus de loin de sorte qu'ils ne peuvent être comparés, du point de vue stylistique, au reste de la sculpture.

Le portail occidental donnant accès au prieuré d'Anzy-le-Duc qui se trouve actuellement au musée du Hiéron à Paray-le-Monial est une création artistique d'un genre tout différent. On ne peut établir de liens directs avec les sculptures de la nef, ni celles de la façade, ni avec les éléments narratifs de l'atelier du Donjon. La finesse psychologique de cette œuvre témoigne d'une intelligence de l'art narratif beaucoup plus approfondie et le langage stylistique n'a pas de correspondance au niveau local.

La question de la datation d'Anzy-le-Duc

La datation de la construction d'une église est toujours difficile. En ce qui concerne Anzy-le-Duc, nous ne sommes pas dépourvus d'informations, loin de là. On peut donc présenter l'évolution du chantier de la manière suivante:

La crypte est, très logiquement, la partie la plus ancienne. Si l'on se réfère, tout d'abord, à la documentation, (translation du corps d'Hugues de Poitiers, en 1001, au Concile d'Anse), on peut placer le début des travaux juste après l'an mille. Cette datation est étayée par l'analyse typologique des formes architecturales: la crypte d'Anzy-le-Duc se situe à un stade intermédiaire entre les cryptes à couloir («Winkelgangkrypten») de l'époque carolingienne (Auxerre, Flavigny) et les cryptes-halles du XIème siècle (Tournus, après 1007). Une partie des chapiteaux invite même à une datation comprise entre 1000 et 1030. On trouve un chapiteau semblable, à forme de champignon («Pilzkapitell») dans la Wipertkrypta à Quedlinburg, au début du XIème siècle. De même, on trouve, retrouve des chapiteaux de type stéréométrique dans la crypte de Saint-Bénigne à Dijon et dans l'ancienne crypte détruite du Vieux-Saint-Vincent à Mâcon.

La forme du chœur de l'église d'Anzy-le-Duc est totalement identique à celle de l'église voisine de Saint-Fortunat de Charlieu, laquelle s'inspire de l'église abbatiale de Cluny II édifiée dans la deuxième moitié du Xème siècle, imitée également à Perrecy-les-Forges (avant 1030).

La croisée du transept a dû être transformée entre 1080 et 1090 et les formes des sculptures, dans cette partie, permettent une datation plus précise autour de 1090. Cette datation s'appuie en outre sur l'observation d'un groupe d'églises qui présentent des liens avec le porche de Paray-le-Monial, du point de vue de l'architecture, des techniques de construction et la sculpture que l'on peut situer dans les années 1080, par exemple La Motte-Saint-Jean.

La nef d'Anzy-le-Duc a dû être commencée peu après la croisée du transept comme le montre l'analyse des chapiteaux, et sans doute achevée dans la première décennie ou le début de la deuxième décennie du XIIème siècle. On retrouve des chapiteaux identiques dans la nef de l'église Sainte-Madeleine de Vézelay qui furent sculptés avant 1106 et probablement vers 1104 comme le montrent les documents concernant cette dernière église.

Dans la partie occidentale de la nef d'Anzy-le-Duc, nous trouvons des liens artistiques évidents avec Cluny III qui indiquent son achèvement pendant la deuxième décennie du XIIème siècle car les fameux chapiteaux du rond-point de Cluny III doivent être sculptés avant 1115 (l'inscription dans la chapelle Saint-Gabriel, à Cluny, donne un «terminus ad quem»).

L'architecture romane en Brionnais

Dans la thèse de doctorat citée en référence, toutes les églises romanes du Brionnais ont été analysées comme Anzy-le-Duc, mais dans un catalogue à part. Les résultats de cette recherche ont été rassemblés dans un chapitre de l'ouvrage qui se présente comme une sorte de synthèse. En comparant l'architecture des différentes églises, nous avons constaté que la variété des formes dans le Brionnais est limitée. De plus, on observe des relations et des dépendances étroites entre les églises monastiques et les églises paroissiales qui ne sont pas le fruit du hasard. De la sorte, nous avons pu établir une chronologie relative qui s'appuie sur l'étude des cas particuliers.

Jusqu'alors, on se plaisait à penser que l'utilisation massive du calcaire jurassique de couleur jaune doré était responsable de l'homogénéité formelle des églises du Brionnais. Cette explication ne résiste guère à l'analyse. Dans un certain nombre d'églises, notamment dans le centre et l'est du Brionnais, les maçons ont utilisé du grès ou du granit sans que, pour autant, ces édifices ne montrent de différences majeures par rapport aux églises construites en calcaire. Le choix du matériau dépend, à l'évidence, des ressources géologiques locales. On s'approvisionne sur place.

La théorie de Jean Virey («Les églises romanes de l'ancien diocèse de Mâcon», Mâcon, Protat, 1935) selon laquelle les maçons du Brionnais ont utilisé le moyen appareil dans les plus anciennes églises n'est pas évidente. Certes, les murs des premières églises du Brionnais ressemblent à ceux des églises du Mâconnais. Par contre, la construction des piliers exige l'utilisation de la pierre de taille. Tout au long de la période romane, la proportion des pierres de taille augmente encore qu'on ne distingue pas une évolution linéaire à l'échelle de toute cette région. Ainsi, dans la nef centrale d'Anzy-le-Duc et dans la partie occidentale, on voit l'œuvre d'un atelier extérieur au Brionnais qui s'inspire d'une tradition nouvelle. Celle-ci ne se limite pas à la construction architecturale proprement dite, mais elle concerne l'organisation même du chantier. L'étude des marques de maçons que nous retrouvons dans plusieurs églises de cette zone est particulièrement instructive à cet égard. Les églises paroissiales d'une certaine importance semblent suivre l'évolution des églises monastiques et refléter les tendances nouvelles. Seules les églises rurales plus modestes et dont le financement était peut-être mal assuré ne subissent pas l'influence des églises les plus importantes.

Concernant les églises du Brionnais, l'élément le plus significatif est le voûtement dont il faut constater la variété évidente. On utilise simultanément la voûte en berceau plein cintre, ou brisé, ou encore la voûte d'arêtes sans qu'aucun de ces choix architectoniques ne s'impose à l'ensemble. Des systèmes de voûtements plus tardifs tels ceux utilisés à Châteauneuf et Semur-en-Brionnais présentent un lien évident avec la construction de Cluny III mais ne correspondent pas à une évolution linéaire au niveau local. Comme nous l'avons déjà fait remarquer, la génération des églises qui les précède a utilisé, en parallèle, différents systèmes de voûtement.

Anzy-le-Duc est la première des grandes églises à utiliser la voûte d'arêtes, imitée très tôt par Charlieu qui utilisera le berceau plein cintre avec fenêtres hautes éclairant la nef. C'est seulement quelques années plus tard que l'on construit deux églises à nef obscure voûtées en berceau plein cintre: Iguerande et Varenne-l'Arconce. Malgré de fortes différences architectoniques, ces églises montrent un style architectural homogène.

Aussi, la disposition du chœur est toujours la même (à l'exception de Bois-Sainte-Marie). La forme du chœur semble refléter des exigences liturgiques à peu près identiques, dans chacune des églises.

Si l'on considère les élévations et notamment les piliers, on retrouve à nouveau un élément commun à ces églises apparemment si différentes les unes des autres. On a utilisé partout le pilier cruciforme avec des demi-colonnes engagées, lequel est capable de s'adapter à toutes les sortes de voûtement. De plus, les grandes arcades qui séparent les nefs des bas-côtés, celles des croisées et des travées de chœur ont bien souvent la même forme et les mêmes proportions. Enfin, les croisillons sont identiques. Si l'on regarde les extérieurs, on constate une certaine homogénéité au niveau des travées de chœur, des façade latérales et des absides et absidioles. Observées plus en détail, les arcades, les piliers et les fenêtres montrent de notables différences, et pourtant, tous ces éléments sont issus d'une même conception formelle. Cela ne concerne pas seulement la structure mais aussi les proportions.

C'est dans ce domaine que l'on observe le mieux les habitudes des tailleurs de pierre et de leurs ateliers, c'est-à-dire, les pratiques locales. Dans d'autres domaines, l'influence du commanditaire et du maître d'œuvre était sans doute plus effective, notamment dans le choix du type même de l'église et celui du voûtement.

Mais, il reste deux églises qui ne s'intègrent pas à la «langue régionale»: Semur-en-Brionnais et Châteauneuf qui sont tardives dans le XIIème siècle. Leur différence s'explique aisément par le fait que ces deux édifices, sous l'influence directe de Cluny, échappent ainsi aux modèles du Brionnais.

Dans le groupe des églises paroissiales, on peut distinguer plusieurs types notamment en observant la forme de la travée de chœur et la manière dont elle est surmontée par le clocher.

Dans certains cas, cette travée de chœur est flanquée de travées collatérales qui s'adaptent à la forme des croisillons, comme dans les églises monastiques. En observant cette série des églises paroissiales, on observe une évolution en direction d'une structuration de plus en plus affirmée avec des espaces bien définis et proportionnés. Même dans les églises qui ne comportent qu'une simple travée de chœur rectangulaire sans collatéraux, on retrouve le même processus. Cependant, si on compare la typologie des églises paroissiales du Brionnais avec celles des régions voisines, on observe que le Brionnais n'a pas choisi une voie qui lui serait particulière.

En combinant les différents résultats de la recherche, on arrive, du moins pour les grandes églises, à une chronologie générale. La construction la plus ancienne est sans doute la crypte d'Anzy-le-Duc (après l'an mille). Les autres plus anciennes églises sont connues grâce à l'étude des textes et aux fouilles archéologiques. Ainsi l'église de Charlieu (Charlieu I) date probablement du Xème siècle, église dont il ne reste aujourd'hui que les fondations. Les vestiges de la dernière église romane de Charlieu montrent une disposition du chœur parfaitement identique à celle d'Anzy-le-Duc. Ce dispositif, dérivé du chœur de Cluny II, a connu plusieurs variantes dans cette partie de la Bourgogne du sud: l'église de Paray-le-Monial (Paray I, début du Xème siècle, Perrecy-les-Forges).

En ce qui concerne la chronologie d'Anzy-le-Duc, on peut retenir que la croisée du transept a été transformée entre 1080 et 1100 et la nef achevée, probablement, dans les années 1110. Dans le même temps, on a construit la dernière église de Charlieu (sans le porche), mais on ne peut pas encore décider laquelle est antérieure à l'autre.

Quoi qu'il en soit, l'influence d'Anzy-le-Duc sur l'architecture régionale est incontestable. Si l'on analyse un groupe d'églises telles que Saint-Laurent-en-Brionnais, Bois-Sainte-Marie et Saint-Germain-en-Brionnais qui offrent des analogies évidentes, l'influence d'Anzy-le-Duc est évidente. Pour plusieurs raisons, ce groupe d'églises peut-être daté de 1115-1130.

Du point de vue architectural la nef d'Anzy-le-Duc apparaît comme un modèle dont la maçonnerie reste cependant en avance sur celle des autres églises. Un peu plus tard, on voit apparaître les églises de Varenne-l'Arconce, Iguerande et Saint-Nicolas de Marcigny. Dans ces dernières, la pierre de taille joue un rôle plus important. Par contre, la conception architecturale semble rester stable. Pour aider à la datation, nous disposons de quelques indices concernant notamment l'église de Briant, liée à ce dernier groupe et qui a été édifiée après 1130. Quant aux églises tardives de Semur-en-Brionnais et Châteauneuf, les chercheurs situent leur construction entre 1130 et 1140.

Parmi les églises paroissiales (ou anciennes églises paroissiales) qui existent encore aujourd'hui, la chapelle de Saint-Prix (commune de Dyo) est peut-être la plus ancienne (XIème siècle). La chapelle de Saint-Georges (commune de Saint-Symphorien-des-Bois) qui lui est proche, est sans doute de la même époque, du moins pour ses fondations, car les élévations ont été profondément restaurées.

Un deuxième groupe d'édifices paroissiaux moins anciens est constitué par les chapelles ou églises de Montmegin, Saint-Martin-du-Lac, Saint-Martin-la-Vallée, Saint-Maurice-les-Châteauneuf, Saint-Martin-de-Lixy et Oyé érigées en 1120-1130 environ. Il n'est pas rare de trouver des points communs avec la maçonnerie et les détails architectoniques de l'église d'Anzy-le-Duc. Quelques exemples pour illustrer notre propos: L'église de Saint-Martin-du-Lac est assez proche d'Anzy-le-Duc et nous savons qu'elle fut construite à la même période. De même, les maçonneries de Montmegin et Saint-Martin-la-Vallée sont presque identiques, de même que l'appareil des clochers à Oyé et Saint-Martin-la-Vallée, manifestement influencés par Anzy-le-Duc. Toutes ces correspondances rendent possible une datation de la chapelle (anciennement église paroissiale) de Saint-Martin-la-Vallée, peu après Saint-Martin-de-Lixy et Montmegin.

D'autres églises comme celle de la chapelle-sous-Dun (chapelle romane du Vieux-Bourg), Vauban et Baugy, ont des travées de chœur d'une forme plus évoluée que celles des églises précédemment citées. Pour cette raison, elles leur semblent postérieures. Aussi, les maçonneries de l'église de Baugy s'inscrivent parfaitement à la fin des années 1120.

A Montceaux-l'Etoile, la maçonnerie en pierres de taille est à l'évidence plus élaborée. De même, le plan au sol et les élévations apparaissent particulièrement soignés. Quant au clocher, son apparentement avec celui d'Anzy-le-Duc permet une datation après 1120.

Les églises de Briant (construite après 1130), Vareilles et Curbigny forment un ensemble cohérent. De même, on a souligné la parenté entre les clochers de Vareilles, Saint-Laurent-en-Brionnais, Varenne-l'Arconce et aussi Paray-le-Monial, notamment au niveau de l'appareil: ce groupe des trois églises brionnaises ne semble pas achevé avant 1120. L'église de Saint-Julien-de-Jonzy, célèbre par son portail, fait partie des églises tardives, du point de vue de la sculpture; pour l'essentiel, cet édifice peut être daté des années 1130-1140. On peut noter aussi des relations étroites avec l'église relativement proche de Ligny-en-Brionnais. Pour ce qui est de l'église de Fleury-la-Montagne, nous ne disposons pas d'indices stylistiques probants, mais la maçonnerie ressemble fort à celle de l'église d'Iguerande.

En confrontant ces aperçus avec les sources documentaires, on constate que la plupart des églises paroissiales en Brionnais furent reconstruites quelques 15 ou 20 ans après leur transfert aux établissements monastiques: par exemple Baugy, Briant, Saint-Martin-du-Lac et Saint-Martin-la-Vallée. Parfois comme à Briant, on attendait que les droits de dîme soient réunis en une seule main. Tout se passe comme si on attendait d'avoir une assise financière suffisante pour commencer la construction ou reconstruction de l'église romane.

En ce qui concerne les églises monastiques, d'autres facteurs interviennent. A Saint-Laurent-en-Brionnais, la nouvelle construction de l'église est entreprise longtemps après le transfert de l'ancienne église privée («Eigenkirche») à Cluny. De même, à Charlieu, il faut attendre de nombreuses années entre la date du transfert de cet établissement à Cluny et la reconstruction de l'église vers 1100.

A Saint-Germain-en-Brionnais, nous connaissons la date de la fondation du prieuré des chanoines de Saint-Augustin (1065) et celle d'une donation supplémentaire de terrains (1095), mais cela ne donne qu'une indication assez vague du «terminus post quem» pour dater la construction de l'église plus ancienne que les chanoines utilisèrent sans doute pendant assez longtemps. En ce qui concerne l'obédience d'Iguerande, il s'agit d'un cas de figure totalement différent. Toute la partie orientale, avec la croisée du transept, fut construite immédiatement après le transfert du pouvoir administratif à Cluny et au monastère des dames de Marcigny.

A Varenne-l'Arconce, la reconstruction de l'église se rattache à la transformation de l'ancien doyenné en prieuré, vers 1120. On peut imaginer que le monastère de Marcigny qui contrôlait tous ces prieurés était capable de mettre à leur disposition des moyens financiers suffisants pour entamer assez rapidement la construction de nouvelles églises.

Si l'on revient aux églises paroissiales, on constate que, très souvent, l'église priorale voisine a servi de modèle. C'est particulièrement évident à Montceaux-l'Etoile et Baugy dont les clochers s'inspirent de celui d'Anzy-le-Duc. La distance entre ces trois églises ne dépasse pas trois kilomètres. Même si la distance est plus grande comme, par exemple, Saint-Martin-la-Vallée et Oyé, l'influence d'Anzy joue encore indiscutablement.

On a constaté ce même phénomène d'influence, à partir des clochers, dans le groupe de Vareilles, Saint-Laurent-en-Brionnais, Varenne-l'Arconce en lien avec Paray-le-Monial. Le lien entre Charlieu et Anzy-le-Duc est si manifeste qu'on peut dire que l'ouverture de ces deux chantiers concomitants donne une impulsion à toute la construction architecturale en Brionnais.

A proprement parler, on ne peut pas affirmer que l'on va recopier les deux églises de Charlieu et d'Anzy dans leurs caractéristiques individuelles mais c'est leur système architectural qui sert véritablement de prototype. Ainsi, la forme du chœur est répétée dans presque chacune des églises, avec des variantes réduites (par exemple, l'absence d'absidioles extérieures). Pour ce qui est des élévations et des voûtements, on utilise en Brionnais divers modèles mais les différences ne sont pas si grandes car on se base toujours sur le même fonds formel. Ainsi, toute l'architecture romane est subordonnée à un réseau formel micro-régional. On a bien noté que les églises paroissiales s'inspirent des plus grandes églises et surtout des églises prieurales sans pour autant qu'on puisse parler d'une dépendance d'ordre politique ou spirituelle. On ne constate pas de lien direct entre l'appartenance à telle ou telle congrégation religieuse et la langue formelle. Un tel modèle explicatif était certes à la mode jusque dans les années 1950 (voir la théorie de Charles et Raymond Oursel sur les églises dites «martiniennes» dans l'ancien archidiaconné d'Autun).

L'analyse plus récente du groupe des églises à voûtes d'arêtes en Bourgogne a montré qu'il faut relativiser le rôle d'Anzy-le-Duc comme prototype de ce système de voûtement. L'église Sainte-Madeleine à Vézelay est plus proche de Cluny III que d'Anzy-le-Duc. Parmi les autres églises qui utilisent la voûte d'arêtes, il faut citer Gourdon et Toulon-sur-Arroux dont le lien avec Anzy n'est pas évident, Issy-l'Evêque qui est reliée à la cathédrale d'Autun. Seule l'église charolaise de Saint-Vincent-Bragny a un lien direct avec Anzy-le-Duc.

La sculpture romane en Brionnais

La première phase de la sculpture en Brionnais a été influencée par les églises les plus anciennes, Charlieu et Anzy-le-Duc, qui comptent parmi les plus prestigieuses de la région.

Le monastère des Dames de Marcigny est le prieuré le plus important de ce secteur mais il est difficile de cerner son influence puisqu'il n'en reste que quelques éléments. Ces fragments semblent montrer que le prieuré de Marcigny n'a pas joué de rôle spécial dans la diffusion des modèles artistiques.

Pour Anzy-le-Duc et Charlieu, il semble que la source formelle soit le Forez et le Lyonnais, mais on ne connaît pas les prédécesseurs directs ni l'origine artistique des sculpteurs venus travailler dans notre région. De plus, ces formes «primitives» ne sont pas vraiment particulières à la Bourgogne, mais elles font parties d'un courant de langage sculptural que l'on retrouve dans le Nivernais (à la Charité-sur-Loire et autour du prieuré de Paray-le-Monial). En tous cas, les chapiteaux sculptés de Charlieu et d'Anzy-le-Duc ont constitué un fort élément de référence qui a influencé toute la création artistique du Brionnais, du moins dans sa première phase. Par la suite, deux de ces ateliers («Anzy-est» et «Anzy-nef») ont pris de l'importance pour toute la Bourgogne. Nous retrouvons la trace du premier à Vézelay (au musée lapidaire, aujourd'hui) et dans le Nivernais, à Saint-Pierre-le-Moûtier et Commagny).

Le deuxième atelier a travaillé sur un plus vaste territoire. Les églises où ont œuvré les artistes d'Anzy comptent parmi les plus importants en Bourgogne: Vézelay (les «chapiteaux Artaud»), Tournus (chapiteaux de la croisée), Autun (chapiteaux du musée lapidaire de la cathédrale, et musée Rolin), enfin l'ancienne église collégiale de Beaune.

Cette vaste expansion montre l'importance artistique des ateliers d'Anzy-le-Duc. A l'intérieur du Brionnais, on n'a trouvé qu'un seul autre atelier (Iguerande-est) ayant utilisé les mêmes formes que celui d'Anzy, (Anzy-nef). Bien que les motifs soient plus souples à Iguerande, on retrouve le même langage formel et une technique comparable notamment dans le traitement des blocs, l'utilisation du relief et la création de paires identiques. C'est au stade de la première génération d'églises que se met en place une base générale qui servira de fondement à la diversité future. On peut considérer cette première phase comme une expression stylistique supra-régionale. Elle se termine avec l'arrivée des maçons de Cluny qui vont achever la nef et la façade occidentale d'Anzy-le-Duc. Dans le même temps, l'atelier «d'Anzy-nef» connaît une succession très riche, notamment à Issy-l'Evêque.

C'est seulement à partir de la deuxième génération d'églises en Brionnais que l'on constate une diversification de la production des sculpteurs, laquelle se développe à partir d'une adaptation à la première génération (atelier de Saint-Laurent) tout en visant à renforcer le contenu et les formes (atelier du Donjon) et à choisir parfois des solutions très indépendantes (ateliers de Saint-Germain-en-Brionnais et Varenne-l'Arconce).

On peut trouver des raisons à cette intensification des travaux de construction. Il s'accompagne d'une demande accrue de maçons, de tailleurs de pierres et de sculpteurs. En même temps, l'ouvrier devient plus stable car la multiplication des chantiers dans la région n'incite plus aux grandes migrations.

Cette limitation spatiale de l'activité des ateliers a une double conséquence. Dans les plus modestes églises comme ligny-en-Brionnais, Montmegin, Oyé, Saint-Martin-de-Lixy, Saint-Martin-la-Vallée et Saint-Maurice-les-Châteauneuf, les maçons et tailleurs de pierre locaux n'ont vraisemblablement pas connu les chefs d'oeuvre de la période précédente ou n'ont pas été capables de les imiter. Cela vaut aussi pour la réalisation architecturale qui reste, la plupart du temps, très modeste par rapport aux modèles que nous avons cités.

Le gros de la production architecturale dans le Brionnais dépend de maçons locaux et non pas de spécialistes. Même les églises qui ont été réalisées par des ateliers plus importants (atelier de Saint-Laurent-en-Brionnais, Vauban et de Châteauneuf...en partie) nous constatons des liens avec le milieu local. D'autres églises plus prestigieuses comme Bois-Sainte-Marie, Iguerande ou Varenne-l'Arconce révèlent les migrations des tailleurs de pierre mais dans un rayon qui ne dépasse guère 20 kilomètres.

Ces édifices combinent une volonté de création originale dans les formes architecturales et une qualité indéniable de la sculpture. Sans doute, des tailleurs de pierre étrangers à la région ont du être chargés de la construction mais, en définitive, leur intervention n'implique pas automatiquement un changement ni une amélioration de la qualité formelle.

Les églises monastiques elles-mêmes ne possèdent pas systématiquement un programme iconographique plus complexe que celui de simples églises paroissiales. Ainsi, les églises paroissiales de Montceaux-l'Etoile, Saint-Julien-de-Jonzy et Fleury-la-Montagne ont des tympans aussi complexes. A l'inverse, la valeur iconographique des portails de Varenne-l'Arconce et Bois-Sainte-Marie reste très limitée.

Dans les séries de chapiteaux, on ne relève pas de tendance vers les cycles scéniques ou des programmes iconographiques complexes tels qu'on les rencontre dans les grandes églises bourguignonnes comme Autun, Vézelay et Saulieu. A cet égard, Anzy-le-Duc et les autres églises où a travaillé «l'atelier du Donjon» est une exception.

En ce qui concerne le niveau stylistique, la plupart des églises monastiques du Brionnais se distinguent par la qualité des sculptures réalisées par des ateliers connus comme ceux du Donjon, de Saint-Germain-en-Brionnais ou de Varenne-l'Arconce. Mais à l'inverse, la distribution des ateliers n'induit pas forcément un niveau artistique inférieur pour les églises paroissiales. Probablement, le niveau artistique dépend des capacités de financement. Dans les prieurés plus modestes, comme Sainte-Foy et Saint-Laurent-en-Brionnais, la qualité artistique n'a pas la même importance que dans les prieurés plus importants. Dans les églises paroissiales qui dépendent d'un prieuré fortuné (Montceaux-l'Etoile dépend d'Anzy-le-Duc; Saint-Julien-de-Jonzy de Marcigny), le travail est réalisé par des sculpteurs étrangers à la région. Et il ne s'agit pas obligatoirement de l'atelier qui œuvre dans le prieuré donneur d'ordres.

A l'apogée de l'art roman, les différents ateliers donnent le meilleur de leur production à l'intérieur du Brionnais. Rares sont les éléments stylistiques qui dépassent les frontières de cette micro-région et qui débordent dans les régions voisines. L'atelier du Donjon a travaillé en dehors du Brionnais, essentiellement dans le Val-de-Loire. (A l'ouest de la Loire: Neuilly-en-Donjon, Chassenard, Chenay-le-Châtel; à l'est de la Loire: Anzy-le-Duc). Un des sculpteurs de ce groupe a travaillé à Gourdon et Fautrières, en Charolais. A cet égard, le Charolais apparaît comme une région particulièrement réceptive, c'est à dire très disposée à adapter la sculpture du Brionnais (Mont-Saint-Vincent) mais aussi capable d'inventer des formes indépendantes (Gourdon).

Dans cette période d'épanouissement de la sculpture romane en Brionnais, on relève peu d'influences extérieures à la région. Lorsqu'elles existent, ces influences extérieures n'ont pas d'influence directe. L'influence principale et connue vient des sculpteurs en provenance du chantier de Cluny III, lesquels ont achevé la partie occidentale d'Anzy-le-Duc. Leur impact est sans doute immédiat mais on ne connaît pas d'autre œuvre réalisée par eux dans le Brionnais. Cela peut s'expliquer par le fait qu'ils ont reçu d'autres commandes plus prestigieuses comme Perrecy-les-Forges (le portail), Saint-Vincent-de-Mâcon et Avenas (l'autel).

Le deuxième style des chapiteaux clunisiens qui se répand dans la grande abbatiale, dans les années 1110, se retrouve en Brionnais dans les créations de Varenne-l'Arconce. De la sorte, nous pouvons déterminer les zones d'influence les plus importantes. Les sculpteurs du grand portail de Vézelay ont influencé le chantier d'Anzy-le-Duc et contribué à son rayonnement (portail dit «d'Arcy» et portail de l'église voisine de Montceaux-l'Etoile qui dépend d'Anzy-le-Duc). Peut-être aussi, le portail de Perrecy-les-Forges a pu servir de relais au rayonnement des artistes vézéliens, mais les documents historiques donnent peu de renseignements à ce sujet. Ces grandes réalisations ne s'imposent pas massivement en Brionnais; il s'agit plutôt d'influences ponctuelles.

Cette résistance aux grands courants externes s'explique peut-être par le fait que le foyer artistique du Brionnais est suffisamment solide, ou bien encore parce que les sculpteurs locaux n'étaient pas capables de s'adapter à des styles aussi puissants. Seul le portail de Fleury-la-Montagne reflète la sculpture vézélienne, mais dans un style un peu «provincial». Un grand foyer artistique comme celui de la cathédrale d'Autun a peu influencé le Brionnais. Dès la première phase, l'art roman du Brionnais montre une grande autonomie. L'observation de cette phase montre que la variété des styles est bien souvent liée aux moyens financiers.

La deuxième phase de la sculpture en Brionnais est caractérisée par une qualité moyenne, une bonne conception dans la réalisation, une bonne maîtrise des moyens techniques ainsi qu'une grande variété des formes. Pourtant, on ne peut pas parler d'une force créatrice nouvelle par rapport à la première phase qui exerce encore son influence.

La troisième phase du développement plastique en Brionnais se caractérise par l'adaptation des formes sculpturales venues de l'extérieur. Le chef d'œuvre de la région est, sans conteste, le porche de Charlieu. Les sculpteurs qui travaillent à Charlieu proviennent vraisemblablement du chantier de Cluny III; ils vont ensuite essaimer dans les différentes églises de la région.

On peut distinguer dans cette troisième phase plusieurs courants. Le tympan de Saint-Julien-de-Jonzy est si proche de celui de Charlieu qu'il semble provenir de la même main, en tous cas du même atelier. D'autres sculptures semblent provenir d'un maître moins important: ainsi les modillons figuratifs et les chapiteaux de la partie orientale de Semur-en-Brionnais, ceux de Châteauneuf (à la croisée du transept et aux arcatures de l'abside centrale) et ceux de Saint-Bonnet-de-Cray (partie orientale). Ces dernières œuvres ne possèdent ni la force figurative ni la même vitalité par rapport à la décoration végétale.

Nous retrouvons ce style tardif dans un certain nombres d'églises situées au sud du Brionnais. Cette concentration dans la partie méridionale de la zone provient-elle du fait que les chantiers sont achevés dans la partie septentrionale ( ?), à l'exception de la façade de l'église Saint-Nicolas de Marcigny qui fut réalisée par ce groupe de tailleurs et de sculpteurs qui s'étaient concentrés au sud. Une autre explication est peut-être la proximité de la région lyonnaise et beaujolaise où se trouvèrent des foyers artistiques plus attractifs. Parmi les centres les plus importants de création artistique, on connaît ceux de Lyon et Savigny au sud, celui de Tournus, à l'ouest. Sans doute les sculpteurs les moins expérimentés sont restés en Brionnais et ont continué à travailler dans les petites églises rurales. Ils ont laissés des chapiteaux ornés dans lesquels la sculpture figurative tient peu de place.

Ce style tardif se retrouve dans certaines églises outre-Loire: l'abbaye de la Bénissons-Dieu est l'exemple le plus connu mais le style issu du Brionnais reste limité au portail. En suivant les déplacement de l'atelier du Donjon, nous avons constaté que la Loire ne constituait pas une barrière naturelle. De part et d'autre du fleuve, les tailleurs de pierre avec leurs styles propres circulent sans entrave. Vers la fin de cette période, la sculpture du Brionnais sort de son cadre géographique et participe de courants qui s'expriment à l'échelle d'une beaucoup plus vaste région. Elle a pu, dans certains cas, jouer un rôle important. Mais, cette question reste à vérifier.

Concernant le développement interne de la plastique à l'intérieur du Brionnais, force est de constater une certaine décadence. Pourtant des chefs d'œuvres de cette période finale (Charlieu, Saint-Julien-de-Jonzy), on ne retient que des éléments ornementaux. En Brionnais, il n'y a plus d'autres ateliers vraiment importants oeuvrant de manière concomitante. Deux seulement travaillent en même temps: l'atelier de Ligny-en-Brionnais (chapiteaux de l'ancienne travée de chœur) et celui de Saint-Julien-de-Jonzy (chapiteaux du clocher).

Les ateliers étrangers, celui de Charlieu (le porche) et celui du Donjon disposent d'un vaste champ d'action en Brionnais. Face à ces «invasions», on ne sait pas si les précédents ateliers en Brionnais avaient cessé d'exister devant l'envahissement de styles nouveaux ou bien s'ils avaient purement et simplement été absorbés.




A b s t r a c t :

Matthias Hamann: The Burgundian Priory Church of Anzy-le-Duc and the Romanesque Sculpture in the Brionnais

The Brionnais, situated in the south of Burgundy, contains about 30 totally or partially conserved romanesques churches, with Anzy-le-Duc as one of the key monuments of romanesque Burgundy. These constructions, erected between 1000 and 1140, show such a homogeneity in technical and artistic aspects that they were subsumed as "Brionnais Art", unless the older research would have undertaken a global analyse of the area. This study wants to fill that lacuna. It contains a survey to the historical dimension of the period - that means to the political and religious powers and their possible influence on construction in the Brionnais area. The mean point of the thesis is the monographic analyse of the romanesque architecture and sculpture of Anzy-le-Duc, with a datation of the different parts between 1000 and 1120. Thereafter follows a general survey of romanesque art in the Brionnais which founds upon the monographically orientated catalogue of the Brionnais churches, representing the second volume of the study. This survey directs its attention on the development of building technique and vaulting, on the organisation of the different ateliers and their creative power, on the role of the different patrons, and, at last, on the chronology of romanesque art in the whole of Burgundy. With the results of this thesis, some important parts of this chronology are to be revised in future.




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